Chanson
Quilapayun fait renaitre l’histoire oubliée du Chili

Quilapayun fait renaitre l’histoire oubliée du Chili

30 April 2014 | PAR La Rédaction

Dans l’histoire de la musique, peu sont les albums qui ont marqué l’histoire d’un pays ou d’un continent, la Cantate de Santa Maria de Iquique du groupe Quilapayun* est un de ces albums. Mais l’histoire de cette œuvre est liée à un travail d’archive, pourquoi en parler aujourd’hui ? Car de l’archive naît l’archive.

En 1969, le compositeur chilien Luis Advis compose et écrit la Cantate Santa Maria de Iquique. Elle raconte le massacre dans une école primaire d’ouvriers venus des mines de salpêtre du désert aride du Chili manifester leur pauvreté à Iquique ville du Nord et côtière. Ce massacre a eu lieu le 21 Décembre 1907. Ce compositeur écrivit cette œuvre suite à de différents voyages qu’il entreprit au nord du Chili en s’inspirant d’archives et de témoignages, il réussit à écrire une histoire qui, en fait, ne relate que des faits. Le massacre de 3600 ouvriers par les militaires.

Le massacre de 3600 ouvriers par les militaires, histoire cachée au Chili révélée par des musiciens en 1970.
Mais ce qui provoqua le retentissement national et continental de cette œuvre, c’est le simple fait que les chiliens et les sud-américains ne connaissaient pas cette histoire. L’Etat chilien républicain et « démocratique » avait délibérément oublié des livres d’histoire cet évênement. Comme si en France, nous découvrions un siècle plus tard le massacre de la Commune. Le peuple n’aime pas que l’état souverain lui cache son histoire. Luis Advis a réussi grâce a un travail d’archive minutieux et fidèle, à transformer ce drame en une œuvre majeur. Hormis la virtuosité du groupe Quilapayun* qui joua cette oeuvre pour la première fois en 1971 avec Willy Oddo, Eduardo Carasco et Carlos Quezada notamment, cette œuvre a surgit à la fin des 60’s en pleine période d’émancipation des peuples, des peuples en quête de quête de vérités, de guerres de décolonisation, de guerre du Vietnam où la musique passait le cap du mutisme politique au porte parole idéologique et poétique.
L’assassinat de ces 3600 ouvriers a été perpétré par le général Roberto Renard et sous le gouvernement du président démocratiquement élue Pedro Montt. Comment dans une république au début du 20ème siècle, un gouvernement peut-il organiser un massacre ? Et comment pendant un siècle cette histoire a-t-elle été cachée à son propre peuple ? Et comment de cette histoire est née un des albums les plus importants et connue de la musique chilienne ?
L’archive est un atout, l’histoire n’a rien d’un art elle ne fait que restituer des faits analysés par des historiens. Mais la musique, la poésie, transcendent la douleur et la subliment. Cette œuvre est un Guernica musical, comme Guernica elle a été prémonitoire. Car trois ans après la première représentation du groupe Quilapayun* en août 1970 au Stade Chili de Santiago, le général Pinochet décida d’assassiner la démocratie, et les masters (originaux) de cette œuvre d’archive historique brûlèrent dans le feu fasciste des militaires au pouvoir. Luis Advis et les Quilapayun* avaient malheureusement chanté cela en pensant que cela n’arriverait plus ou du moins au Chili mais même brûlée, cette œuvre fut chantée par le groupe Quilapayun* dans le monde entier jusqu’à aujourd’hui, avec souvent de grands artistes comédiens qui ont dit ce texte sur scène avec eux comme Jon Voight, Jane Fonda, Jean-Louis Barault ou Daniel Mesguich.
cantata santa maria QuilapayunEn 2003 le groupe Quilapayun* nouvellement reformé décida de ré-enregistrer cette œuvre en la chantant au Chili pour les commémorations du 30ème anniversaire du Coup d’Etat au Chili. Ils ont aussi réédité à partir de vinyles l’œuvre original, mais pourquoi en parler aujourd’hui ? L’année dernière par hasard, une chorégraphe chilienne Maritza Las Heras a découvert par hasard dans son cagibi une boite sur laquelle était écrit Cantata de Santa Maria de Iquique, c’était une copie du master original, objet unique à valeur inestimable. Les Quilapayun* s’empressèrent de la remercier et de rééditer cette copie rangée dans les archives artistiques d’une chorégraphe qui avait demandé une copie pour pouvoir danser cette œuvre au Chili. L’art est comme le peuple, on peut le brûler, l’assassiner, le détruire, il ne disparaît jamais. D’une archive naît une archive et de cette archive renaît l’histoire.

Des concerts au Chili vont avoir lieu en mai prochain avec le groupe Quilapayun* et l’album réédité sortira cette année édité par la Warner.
*Quilapayun* de 1969 : Eduardo Carrasco, Carlos Quezada, Willy Oddó, Patricio Castillo, Hernán Gómez et Rodolfo Parada ( ce dernier s’oppose pour des raisons qui échappent à tout le monde à la réédition de l’album, nous rappelons qu’il a tenté en 2000 de se déclarer seul propriétaire d’un groupe.)

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