
« Multitude » de Stromae : une intention poétique réussie pour un troisième album qui fera date
Après le succès de « Racine Carrée » et neuf longues années d’absence, Stromae revient avec un troisième album qui, selon nous, fera date.
Par Samuel Fergombé
Une multitude de sonorités, une multitude d’inspiration
La tâche était ardue, surtout après un album comme « Racine Carrée » qui a fait l’unanimité tant du point de vue critique, que du point de vue commercial. Il faut dire que tous les singles de son précédent album ont été des succès. Nous avons tous en tête « Papaoutai », « Formidable » ou encore « Tous les mêmes ». Déjà avec cet album, Stromae nous avait offert un renouvellement complet vis-à-vis de son précédent qu’il avait sobrement intitulé « Cheese » et qui était beaucoup plus house/dance électro avec des titres comme « Peace or Violence » ou le très connu « Alors on danse ». Avec « Multitude », Stromae arrive une fois encore à se renouveler tout en gardant sa pâte qui a fait son succès.
Nous sommes dans une campagne présidentielle où nous parlons beaucoup de créolisation. La créolisation a rappelons-le été théorisée par le poète Edouard Glissant et désigne la rencontre des altérités. Cette rencontre des altérités produit un nouveau langage comme « le créole », ou bien un nouveau mélange culturel. Stromae est sans aucun doute le meilleur exemple de cette créolisation, il est parvenu une fois encore à prendre des thèmes majeurs de notre société et à les poser sur des sonorités à la fois Japonaises, Africaines ou Européennes. D’entrée de jeu, on découvre ses sonorités avec le titre « Invaincu ». Pour ce premier titre, Stromae s’est dit par exemple inspiré des musiques de l’animation Japonaise (comme le manga The Ghost in The Shell). Mais, Stromae ne s’est pas seulement approprié certaines sonorités, il s’est aussi approprié des instruments pour appuyer le spleen, ainsi que la vitalité de ces textes. De cornemuses d’Écosse, en passant par l’erhu, on se demande ce qu’ils manquent à cet album qui parlera à chacun.
Des nouveaux thèmes, ainsi que de nouveaux textes pour mieux nous relever
L’une des forces de cet album comme les deux précédents est la structure narrative. « Multitude » c’est un album qui raconte la vie d’une personne qui traverse une phase de dépression, qui se retrouve confronté à la moquerie des autres et qui parfois après moult efforts parvient à se relever pour « une danse de la joie ». Et si Stromae peut construire à merveille cette narration et que l’on ressent à la lecture de la tracklist, c’est parce qu’il a lui-même traversé une phase de dépression ces neuf dernières années. Stromae nous touche, parce qu’il met des mots sur des maux que nous avons en commun.
Dans ce nouvel album, Stromae s’adresse non seulement à ce qui nous est le plus intime, mais aussi à celles et ceux que l’on a tendance à effacer dans nos sociétés : les travailleuses du sexe dans le titre « fils de joie », les pilotes d’avions, hôtesses de l’air, femmes de ménages dans le titre « Santé » ou simplement les personnes dont les ambitions sont brisées comme dans le titre « Riez ».
Avec « Multitude », Stromae n’est pas tombé dans le piège de la facilité et a fait le choix de faire un album qui s’écoute et se réécoute sans cesse. Ce troisième album est un album qui se dévoile à chaque écoute, qui est riche en apprentissages et en sonorités nouvelles. Il est difficile de dire pour l’instant si il parlera plus que « Racine Carrée », nous pouvons cependant dire qu’il est le plus abouti des trois. Stromae a parfaitement accompli son intention poétique et nous offre une véritable boussole pour nos vies. Nous aurons à cœur de découvrir les prouesses créatives que l’on retrouve également dans ses clips.
Visuel : pochette