Liz Green, nouvel album : « Haul Away », aux sombres héros de l’amer…
Lundi 14 avril verra la parution du très réussi deuxième album de la Mancunienne Liz Green (Haul Away, PIAS), trois années après le précédent (O Devotion). Elle poursuit inlassablement une virée nocturne illuminée de visions oniriques, proche des univers des Kafka, Dino Buzzati et autres Etgar Kiret.
[rating=5]
Ouverture d’album sur Battle. Mandoline en bandoulière, Liz nous présente les protagonistes du dernier combat qui s’annonce : les certitudes de chacun, bouffi d’assurance et de suffisance jusqu’alors, mais qui peu à peu se lézardent, se fissurent, s’étiolent ensuite puis se dissolvent enfin au fur et à mesure de la progression du carillon qui les rapproche inexorablement de la dead line : moreturi te salutant, ceux qui vont mourir te saluent…
Haul Away, qui suit, pièce maitresse de l’opus, car majestueuse et épanouie, se déployant tout en magnificence ailée et ambitieuse, se gaussant avec frivolité du pathétique de la condition humaine.
Elle est, à elle seule, l’orchestre du Titanic, délivrant ses ultimes notes jouissives mais tragiques, et ce jusqu’à la lie, avant de rejoindre à la mer l’immense cohorte des bouteilles jetées, ballottées ça et là, au gré d’une houle vicieuse et toxique, emplies de messages urgents mais qui poireautent pourtant là depuis les siècles des siècles.
Rybka, tsigane et ironique, fait tourner les tables en quête d’esprits amis, convoqués pour réchauffer nos âmes en souffrance : manque de pot, ils nous tournent surtout en bourrique, préférant largement se moquer de nos peurs afin de mieux les conforter…
River Runs Deep, elliptique ritournelle en mode piano voix, comptine en musique, petite chanson d’amour délicate et attachante.
Where The River Don’t Flow, le single actuel, célébration macabre et jubilatoire orchestrée par un piano de bastringue qui s’emballera à la troisième minute, vous laissant, tout chaviré, dans un état contemplatif et radieux.
Ce titre n’est pas sans rappeler le Bensonhurst blues d’Oscar Benton dans sa progression harmonique et les effets dramatiques inattendus qu’il produit.
Empty Handed Blues, ou le récit poignant d’une promesse de gloire virant en cauchemar éveillé, Nick Cave rodant, un demi-sourire sardonique aux lèvres, tout surpris de cet épilogue obscur, cette âpreté âcre régnant en maître autocrate. Mention spéciale pour le groove imprimé par les cuivres campant la section rythmique.
Little I, magnifique instrumental, conversation riche et argumentée entre un piano et un violoncelle ou quand la musique se passe de mots, parfois maladroits ou inappropriés.
Penelope, à l’introduction habitée par des arpèges de guitare complexes mais fluides, langoureuse et hospitalière : « Je t’accueillerai à la maison », nous chante t- elle, en une fière ambition revendiquée de réparer les cœurs souffrants et arythmiques en un Tikoun Olam salvateur.
Enfin, en guise de conclusion, Bikya qui louche vers Kurt Weil et son Opéra de Quat’ Sous, au revoir d’un clown aux grands yeux interrogateurs dont le Rimmel coule de tristesse ou bien peut-être de joie, lui même serait bien incapable de le savoir…
Un album magnifique donc, à découvrir d’urgence…
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