Chanson
[Live report] Champagne à la Philharmonie !

[Live report] Champagne à la Philharmonie !

26 October 2015 | PAR La Rédaction

Par Ariane Singer

Après le concert de Jacques Higelin, célébrant ses 75 ans et ses 50 ans de carrière avec l’Orchestre National d’Ile de France, la Philharmonie de Paris a réuni avec bonheur les représentantes de la scène musicale française féminine, autour d’un concert hommage festif, baptisé Champagne !

Les lendemains de fête ont aussi leur charme. Un jour après le bouleversant concert de Jacques Higelin à la Philharmonie de Paris, au cours duquel le chanteur s’est produit avec l’Orchestre National d’Ile de France, les célébrations autour de son double anniversaire ont continué en musique, le dimanche 25 octobre. Place aux reprises, cette fois. Et aux filles… Dans l’ambiance feutrée de la salle des concerts de la Cité de la Musique, une dizaine d’artistes féminines, au micro comme aux instruments, ont réenchanté le grand Jacques lors d’un concert hommage baptisé Champagne !
De Jeanne Cherhal à Catherine Ringer, en passant par la Grande Sophie, L, Maissiat, Katell et Camelia Jordana, ces chanteuses, âgées de 23 à 58 ans, ont revisité dans un esprit bon enfant l’ensemble du répertoire d’Higelin, entre 1967, date de sa première collaboration avec Brigitte Fontaine, et 2013, année de sortie de son dernier album, Beau Repaire. Des succès immanquables (“Tombé du ciel”, “Pars”…), mais aussi des chansons plus rares (“Amor doloroso”, “Cayenne c’est fini”), chacune représentative de l’éventail artistique d’une carrière riche de 18 albums studio…. Le tout entrecoupé de citations un peu foutraques du chanteur (La vie est dure, il ne manquerait plus qu’elle soit molle, les murs ça n’effraie que ceux qui restent plantés devant…) récitées en voix off dans un murmure amusé.
C’est Sandra Nkaké, figure de la soul française, qui ouvre ce bal joyeux. Surgissant entre les deux longs panneaux en tissu où sont reproduites les paroles de Champagne, elle déboule, cheveux en crête et cigarette à la main, l’air de vouloir en découdre. Sur les accords électrisés d’Edith Fembuena, directrice artistique du concert et productrice de l’album Beau Repaire, elle réinterprète Cigarette façon rock dur, d’une voix n’appelant pas la contradiction. Moralisateurs anti-tabac s’abstenir… Le même esprit survolté anime Tête en l’air, que reprend la Grande Sophie. S’il est encore un peu trop tôt pour entraîner la salle à répéter la comptine finale (Y a des allumettes au fond de tes yeux, des pianos à queue dans la boite aux lettres…), l’auteur de Nos Histoires s’en tire convenablement. Mais le spectacle commence vraiment à l’arrivée de Jeanne Cherhal. Mutine et philosophe, la chanteuse, déjà habituée aux duos avec Higelin (Je voudrais dormir, Paradis païen) fait mouche au piano avec la Fuite dans les idées, un extrait de l’album Tombé du ciel, rarement joué sur scène, dont elle restitue à merveille la fantaisie euphorique, en jouant magnifiquement des amples modulations de sa voix.
Après le rire, le frisson. Quand Catherine Ringer, ondulant félinement sous une large cape noire, fait entendre L comme beauté, c’est la puissance poétique d’un Léo Ferré qui s’exprime à travers sa voix troublante dans cette ode à la grandeur de l’amour féminin. Frisson aussi quand Sandra Nkaké, franco-camerounaise, s’empare de “Cayenne”, chanson de bagne au rythme lancinant, figurant sur l’album Champagne pour tout le monde (1979).
Mais la scène de la Philharmonie se fait aussi plateau de cinéma. Quand Camelia Jordana et L, assises dos à dos, reprennent les rôles de Brigitte Fontaine et d’Higelin, dans l’étrange Cet enfant que je t’avais fait (bande son du film les Encerclés, 1967), on jurerait être plongé dans un film de Jacques Demy, modernisé par Christophe Honoré. Même sentiment en écoutant Camelia Jordana, métamorphosée en enfant canaille, chanter la “Rousse au chocolat” ; la chanson, totalement réarrangée jusque dans sa mélodie, et délestée de la mélancolie de l’accordéon, révèle une inédite et savoureuse pointe de perversité.
Passé un sage Je ne peux plus dire je t’aime, Jeanne Cherhal dynamise à nouveau la salle, avec un Tombé du ciel fidèle à l’esprit de l’original : frais et gonflé de peps. Surfant sur la même énergie, la Grande Sophie propose un “Pars” survitaminé et très convaincant. Joué à la guitare électrique saturée, sur le rythme endiablé d’un train fou, la reprise substitue à la mélancolie profonde de l’original le sentiment de secousse que provoquent les fractures de la vie.
Mais que serait un Champagne sans bulles ? Celles-ci arrivent en apothéose, attendue, lors du morceau final (“Champagne”, donc), qui réunit les huit chanteuses dans une espiègle interprétation de la composition la plus higelinesque. Si elles n’entendent pas rivaliser avec l’inventivité de l’auteur, qui en fait une nouvelle aventure musicale et scénique à chacun de ses concerts, elles restituent à la lettre son onirisme diabolique. Appelé sur scène pour un salut final, l’artiste, dont on attendait en vain un duo (au moins), est ravi, ému. La reprise du titre qu’ils improvisent tous ensemble a capella, sous les exhortations du public, est à son image : chaotique, spontanée, drôle, généreuse.

Ariane Singer.

Visuel : Augustin Detienne

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