Musique
Accentus, la joie d’avoir vingt ans

Accentus, la joie d’avoir vingt ans

12 April 2013 | PAR Bérénice Clerc

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Laurence Equilbey et Accentus fêtaient leur 20 ans en 2012, pour cet anniversaire un programme spécial a été conçu, il poursuivait son chemin le 11 avril au CDA d’ Enghien les bains devant une salle complète des semaines à l’avance et séduite par la performance rare et sensible.

Laurence Equilbey, artiste multiple, chef d’orchestre aux projets nombreux et toujours exigeants retrouvait son chœur Accentus seul pour un concert, 21 ans après avoir commencé le modelage de leur pate sonore reconnue dans le monde entier. Les deux disques Transcriptions furent un succès, leur son est recherché, les spectateurs d’Enghien les bains étaient heureux d’être au rendez-vous de ce programme anniversaire et la salle comble se tue à l’arrivée des chanteurs.

Comme une étincelle Laurence Equilbey entre en scène, pas le temps ni la peine de se regarder ou de “s’auto-célébrer”, elle chevauche, le pur-sang Accentus immédiatement.

Dès les premières notes la concentration est palpable, chaque note brille, résonne à la juste mesure, se démultiplie et d’un geste le verbe se fait chair, un plus un égale trois. Laurence Equilbey se fait caressante et solide, comme une mère poserait une main tendre sur le visage d’un nouveau-né et l’autre plus ferme pour le tenir et le rassurer face au monde qu’il découvre.

Sa palette riche est de couleurs insoupçonnables, infimes modulations, ondulations, jaillissements, matière visible, le son est en mouvement perpétuel, précis telle une flèche il parcourt l’espace avec puissance, justesse, retenue. Comme la terre tourne sans faire tomber ses habitants, Accentus forme un essaim sonore dont Laurence Equilbey est la reine mystérieuse, une apparition sans démonstration ou surcharge de mise en scène, sa direction énergique, engagée, douce et sobre mène la danse, sculpte le son de ses mains à l’horizontal. Elle tire avec sa gestuelle unique les fils

d’or d’un magma vocal lumineux et bouillonnant.

Laurence Equilbey aurait facilement put sombrer dans la démagogie pour ce programme, choisir les tubes de leurs albums, le public ravi aurait applaudi sans retenue. Il n’en est rien, comme toujours elle assume l’exigence, livre des morceaux rares, sans oublier l’Agnus Dei de Barber, le spectacle

possède une dramaturgie construite comme une pièce de théâtre pour garder un public en haleine du début à la fin, prendre des risques et chercher l’émotion avant la prouesse, sans feindre la perfection toujours au rendez-vous. Somptueux Tebe poem de Rachmaninoff, magnifique Faben opus 16 n°3 de Schoenberg transcrit par Franck Krawczyk, un entracte plus tard, Sommarnatten d’Einojuhani Rautavaara et Tva Körpoem de Jan Sandström habitent la salle à merveille. Murmures, souffles, bouches ouvertes, fermées, mi closes…Tout est nécessaire dans cette construction sonore, pas de graisse, de démonstration, de pathos, de fausse émotion, de transpirations sur-expressives,

l’authenticité et le plaisir sont seuls sensibles.

Les applaudissements sont extatiques, le rappel ne se fait pas attendre, Laurence Equilbey avec son humour annonce la pièce choisie, ils l’ont rapportée de Riga lors d’une tournée, « elle est de Selga Mence,  l’histoire est simple, c’est deux poulains dans un pré, un se perd puis finalement ils se retrouvent ». La pièce est joyeuse, comme une petite fille court à perdre haleine ou galope sur un cheval dompté pour le plaisir de la sensation,  Laurence Equilbey s’amuse sans perdre le niveau et chanteurs comme spectateurs sont portés par la ritournelle enfantine et construite. Agréable et fantaisiste rappel. Le public doit ensuite voter pour son deuxième rappel, les spectateurs ravis se prêtent à l’exercice, Rachmaninoff gagne la partie.

Un Poulenc suivra puis les applaudissements de la foule ne s’arrêtaient plus, mais toutes les bonnes choses ont une fin, ce moment unique en tête les spectateurs pouvaient repartir heureux et plus léger. « Tu vois, si on avait ce diapason électronique on chanterait pareil à la chorale » dit l’une d’entre eux utopiste et en quête de ressemblance inatteignable sans un travail permanent et une expérience longue ! Laurence Equilbey fait du chœur un grand genre, orchestre de voix aux timbres quasi sans faille, leur niveau est inégalable en France aujourd’hui.

Pour voir Laurence Equilbey sortir la musique du chaos avec Accentus et Insula Orchestra, son orchestre à instruments anciens pour émotions contemporaines, courrez à la salle Gaveau le 18 avril afin de vibrer au son de Schubert et Mozart.

Infos pratiques

Cinéma “Jour de Fête”
La Maison de la culture du Japon à Paris
Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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