Quelques Mélodies d’Ibrahim Maalouf : un concert plus intimiste à l’Espace des arts
L’artiste reconnu internationalement est un habitué des plus grandes salles : Bercy, le Zénith, les scènes de festivals. Mais dans le cadre de sa tournée “Quelques Mélodies”, Ibrahim Maalouf a décidé de retrouver son public dans un concert à taille plus humaine. Retour sur ce spectacle dans le 93, aux Pavillons-sous-Bois.
Une scène en duo
Accompagné de son acolyte et guitariste François Delporte, c’est un concert rafraîchissant, qui fait du bien, introduit par le joyeux “Harlem”. Certes, les shows récurrents avec sa troupe de musiciens sont incroyables, mais peut-être que rien ne peut remplacer ce type de rencontre plus intimiste (et hors Paris intra-muros) – où l’on écoute d’autant mieux sa trompette, mise à nue.
Des titres emblématiques au programme mais aussi moins connus de son répertoire -large-, qui en valent la peine. Il s’agit simplement de ses mélodies avec sa trompette, son piano, la virtuosité de François Delporte.
“Revenir aux bases”
Les titres sont tirés de l’album 40 Mélodies, qui revisitent ses compositions en version acoustique -dont ses bandes originales de cinéma- à l’occasion de ses 40 ans (il y a deux ans donc, aux débuts du covid). Maalouf a ainsi marqué sa volonté de renouer avec son répertoire, son public, mais surtout avec l’interprétation scénique. On le découvre ainsi plus interactif avec les spectateurs – il fait rire, explique l’histoire de ses musiques instrumentales (et il parle beaucoup). Un vrai moment de partage, et une quasi-masterclass. Dans l’interprétation du duo, de beaux moments de suspension, de douceur, autant que d’accélérations et de virtuosité (en particulier avec ses trilles dans “Lily will soon be a woman”).
Une diversité de répertoire et d’émotions
Les titres retracent ainsi son parcours musical : débutant avec un hommage à la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum, qu’il chante et joue au piano. Viennent ensuite “True Sorry” puis “Lily will soon be a woman”, probablement la partie la plus drôle et didactique du concert – il y décortique son morceau qui retrace le développement futur de sa fille en tant que femme en devenir, depuis ses premiers pas et babillages, ses obsessions d’enfant, d’adolescente, jusqu’aux joies et malheurs de jeune adulte, et ce à la trompette. “Will soon be a woman” est dépeint sous un nouveau jour et constitue probablement l’un de ses morceaux les plus touchants.
Il réitère également son amour pour la musique de cinéma à travers “Celle que vous croyez” au piano, mais aussi son obsession pour “Red & Black light” sur laquelle il a fait chanter le public, l’une de ses coutumes. Un excellent choix que d’interpréter “Esse Emme” tiré de Diachronism, qu’il veut réhabiliter et qui gagnerait en effet à ce que l’on en reparle. Arrive le majestueux et iconique “Beirut”, première composition d’un Maalouf transformé à jamais par sa balade dans la ville en ruines, Led Zeppelin dans son casque. Un basculement psychologique expérimenté qu’il traduit par un non-retour sur la mélodie initiale. Il joue avec sa trompette l’innocence perdue, le déchirement comme si les mots manquaient (la gorge nouée par des pleurs évoqué par la trompette), la douleur – qui se ressentent dans les notes aigües -. Pour ce concert, le titre est dédié aux enfants ukrainiens.
Un véritable voyage dans une multitude d’émotions, puisqu’on repart avec le morceau suivant sur une ambiance joyeuse avec “Happy face” – un autre bijou, hommage à Louis Armstrong. Après l’ovation, le spectacle s’achève sur “All I Can’t Say”, une collaboration avec Sting sur 40 Mélodies.
Autre ambiance et autre salle, le trompettiste se produira le mois prochain à Bercy, le 27 avril.
Visuel : © Yann Orhan