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Mortelle Religion ne convainc pas sur les méfaits psychiatriques et sociaux du Christianisme

20 May 2011 | PAR Yaël Hirsch

Avec des titres comme “Dieu l’hypothèse erronées”, “Les dossiers noirs du Vatican” ou encore “Le fruit défendu, pour une éthique laïque”, les éditions H&O semblent se spécialiser dans les essais qui battent en brèche ces grandes institutions que sont les religions au nom d’un humanisme qui se voudrait entièrement “athée”. La dernière parution de cette collection “athéisme”,  Mortelle religion”, du psychiatre américain Wendell W. Watters tente de démontrer combien le christianisme est pathogène. Si la première partie de l’ouvrage multiplie les références importantes de la sociologie des religions, la deuxième partie, qui est censée s’appuyer sur de la clinique, peine grandement à convaincre. Peut-être parce-que la critique élégante s’intéresse en général à l’objet qu’elle étudie avant de le rejeter et que le Dr Watters se contente d’égrener des banalités sur ce qu’il appelle de manière générique et dédaigneuse “la doctrine chrétienne”.

“Nous allons étudier tout au long de ce livre les liens existant entre doctrine chrétienne et souffrance humaine. Nous verrons que de nombreux aspects de la doctrine et des enseignements chrétiens provoquent des attitudes parentales qui compromettent fortement le développement de la capacité d’adaptation de l’enfant; cela occasionne de graves conflits contribuant au stress, autant intrapsychique qu’interpersonnel, qui peuvent eux-mêmes compromettre la capacité de ‘lenfant à affronter les tensions extérieures” (p. 18). Dès le début de l’ouvrage, le Dr Watters pose une hypothèse lourde, grave et incriminant pour la religion chrétienne. Dans un texte sectionné en chapitres clairs, où chaque hypothèse est surlignée d’un titre et chaque thème clos par une conclusion, le psychiatre fait preuve de rigueur. Quand il tente de définir la religion, il fait référence à des sociologues tout à fait importants du monde américain de la recherche sur les religions et qu’il explique fort bien (William James, Rodney Stark…).

Mais c’est là que la rigueur s’arrête. D’abord parce qu’en termes de “doctrine chrétienne”, le chercheur n’est pas allé beaucoup plus loin que quelques lieux communs (par exemple la prohibition du sexe ou l’image dégradante de la femme – que faire alors du culte marial dans le catholicisme? ) et quelques citations – les plus violentes- tirées des évangiles. Ensuite parce qu’il a tendance à étendre outrageusement la portée de son analyse concentrée sur le protestantisme américain à tous les monothéismes. Enfin, là où le professeur Watters déçoit le plus est dans l’administration des preuves, qu’il promettait de choisir dans un domaine qu’il connaît bien : les cas de certains patients que la religion aurait rendus fragiles psychologiquement. Or ces cas sont surtout des archétypes tout à fait clichés (le fondamentaliste chrétien qui viole une femme car la masturbation est un pêché, le couple qui élève mal son enfant, car pour cause de religion, il ont des rapports sexuels insatisfaisants…). Enfin, jamais l’hypothèse n’est abordée d’une foi ou d’une religion qui pourrait parfois soulager certains mal-êtres. Même Sigmund Freud qui appelait de tous ses vœux le moment où l’humanité n’aurait plus besoin de ce bâton de tutelle qu’est la religion pour rester dans la culture , reconnaissait néanmoins l’importance du rôle des religions comme cadre et tuteurs d’hommes et de femmes souvent faibles. Des religions, il écrivait : « Ce sont des illusions, accomplissant des souhaits les plus anciens, les plus forts et les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force, c’est la force de ces souhaits » (L’avenir d’une illusion, 1927).

Normatif sous des apparence de science, “Mortelle religion” est donc sur bien des points un essai décevant. Peut-être gagne-t-il cependant à être parcourupar ceux et celles qui ont du mal à croire qu’Outre-Atlantique aussi, certains scientifiques se veulent vecteurs d’un athéisme de combat”.

Wendell W. Watters, “Mortelle religion”, trad. marion Przetak, H&O éditions, 228 p. 19 euros. Sortie le 22 avril 2011.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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