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Le sérieux c’est pas merveilleux ? François Fillon vers un projet de culture pour l’identité

Le sérieux c’est pas merveilleux ? François Fillon vers un projet de culture pour l’identité

24 October 2016 | PAR Franck Jacquet

Toute la culture suit depuis cet été la pré-campagne et la campagne présidentielle. En matière de politique culturelle, de rapport à la culture ou encore de lien entre les arts et l’éducation, qui propose quoi et à partir de quelle expérience (mandat, poste ministériel occupé…) ? A chaque semaine son candidat, mais toujours les mêmes questions. De quoi comparer les approches de ceux qui prétendent au poste de “monarque républicain” ! François Fillon, cette semaine à l’Emission politique de France 2, tente de confirmer son retour (limité) en grâce auprès de l’opinion et pour cela hésite entre réaffirmer un programme économique vu comme sérieux mais peu enthousiasmant et se laisser emmener vers les thématiques identitaires, quitte à y noyer ses propositions pour la culture et l’éducation.

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“Fiche signalétique” (Le parcours politique, le positionnement actuel, les chances de réussite…) :

François Fillon ne sera sans doute pas le prochain Président. Ce jeudi à l’Emission politique de France 2 (à la suite de son concurrent pour la troisième place Bruno Le Maire), il reste scotché entre 10 et 15% des intentions de vote de la primaire de la droite et du centre qui se rapproche à grands pas (le premier tour se déroulera le 20 novembre). L’ancien Premier Ministre, toujours remonté contre son ex-Président Nicolas Sarkozy veut en découdre et n’a plus trop le choix s’il veut essayer de renverser la table. Il doit frapper fort pour passer devant celui-ci ou Alain Juppé, toujours souverain des intentions de vote. Sans aucun doute, ses propositions sont parmi les plus cohérentes et les plus structurées parmi les candidats ; il a préparé un programme depuis longtemps, son livre Faire l’avait lancé dans l’opinion à un bon niveau il y a plusieurs mois, mais depuis on se perd un peu : droite thatchérienne ? Relents séguinistes plus sociaux ? Appui des catholiques anti-mariage pour tous… Il dispose de positions assez enviables auprès des élus Les Républicains. Mais la mayonnaise ne prend guère… Il affirme pourtant à la suite du premier débat télévisé si suivi : “le duopole s’est effondré”. Ah ? Que propose-t-il en matière de liant pour la culture ?

Quel est le programme ? Quelles sont les mesures émises ?  (Site internet, prises de position en réunion publique, articles, livres…) :

La culture est bien là ! Elle apparaît en 15e place parmi les mesures annoncées comme phares (dernière et non en gras comme les autres, mais elle est tout de même là !) : “Protection de notre patrimoine, réduction de la fracture culturelle par un plan « patrimoine pour tous » et soutien à la création artistique pour le rayonnement culturel de la France”. Comme ailleurs, on ne sera pas étonné que ce domaine vienne bien après les gros sous et les mesures économiques. Si on en vient aux grands axes proposés, on constate que peu d’éléments sont laissés de côté (audiovisuel, spectacle vivant à travers la question de l’intermittence notamment, rayonnement culturel, liens culture – éducation…). Souvent, les mesures sont similaires à celles des grands candidats de droite et du centre (A. Juppé, B. Le Maire… – voir nos articles) et la différence porte sur le montant alloué prévu. Des différences de degré plus que de nature donc. Les FRAC doivent développer leur ouverture aux publics, un plan d’aide au patrimoine doit être mis en place (2 milliards d’euros sur cinq ans, soit bien plus qu’aujourd’hui, mais aussi plus que chez Bruno Le Maire par exemple), le régime des intermittents n’est plus attaqué mais il doit s’appliquer à moins de personnes pour réduire ce qui est considéré comme des “abus” (« Pour le pérenniser, je propose d’en exclure toute forme d’emploi permanent et notamment les programmes de flux »)… De même, le renforcement de l’histoire de l’art ou de l’éducation musicale à l’école, parfois en lien avec un “récit national” ne permet pas de différer par rapport aux autres écuries, et d’ailleurs, ce renforcement de l’histoire de l’art semble oublier ce qui se pratique déjà depuis plusieurs années (parcours à l’éducation des arts…). Il est aussi annoncé une “optimisation” de l’audiovisuel public par une concertation, annonce à peine voilée d’une réduction du nombre de chaînes radio-tv. Là encore, rien de dissonant par rapport aux concurrents. Alors comment se distinguer ? En rappelant que plusieurs prises de position sont anciennes (sur Hadopi où la réflexion de l’ex-Premier ministre fut longtemps en pointe), manière de rappeler le sérieux, trait-atout pour lui. Surtout, il met en avant la thématique de la réduction d’une fracture culturelle (lointain avatar de la fracture sociale ?), idée sans doute alléchante mais bien mal étayée : en demandant une plus grande amplitude d’ouverture pour les établissements culturels, pas sûr que cela change la donne pour permettre une visite de ceux qui sont éloignés géographiquement ou culturellement de ces lieux. Une différence annoncée mais de façade semble-t-il donc… Enfin, sur le point de l’économie comme secteur de développement, le programme n’en reste qu’à des déclarations d’intention (“Accompagner le développement du tourisme”). Rien n’est évoqué sur les questions d’ancrage territorial quand d’autres prennent en compte les systèmes productifs et décisionnels locaux (labels, collectivités, les nouveaux moyens de financement par crowdfunding pour décentraliser…).  Des mesures de classique donc, cohérentes, mais peu à même de contribuer à une ouverture vers un nouvel électorat donc si on pense en termes d’offre, surtout à gauche où la culture reste un outil pour le social (voir notre article sur les positions de Benoît Hamon).

En termes de montants, cela donne quoi ?

Les propositions sont tout de même rarement chiffrées (l’un des seuls chiffres concerne le plan “patrimoine” de 2 milliards pour le quinquennat, qui regroupe en fait plusieurs missions comptabilisées différemment jusqu’ici). Pour le reste, les chiffres sont affirmés pour ce qui est considéré comme l’essentiel : l’économie, la défense, la sécurité… A suivre la logique générale du programme, le lecteur comprendra donc aisément que les rigueurs annoncées pour tous touchent bien la culture, mais que les efforts d’investissement et de création dans ce domaine sont eux, moins urgents.

La culture pour elle-même ou comme sous-catégorie dans les débats sur l’éducation et l’identité ?

Si la culture existe bien pour elle-même dans le programme affiché, l’articulation avec les thèmes connexes (identité nationale, éducation…) pose question. Aussi faut-il d’emblée signaler le décalage entre l’écrit et les prises de position : comme dans les autres écuries et en suivant les médias plutôt qu’en les bravant, la politique culturelle au sens strict n’est pas du tout mise en avant. Partant de cette loi générale du débat automnal, des incohérences existent entre programme portant sur l’éducation et programme portant sur la culture : certes, l’autorité est bien présente, comme ailleurs, avec une remise en avant de la dimension verticale de l’enseignement, de la direction des établissements (par une plus grande autonomie), mais on voit mal comment concilier un si grand centrage sur l’apprentissage de la lecture et la revolarisation de la place de l’enseignement de l’autorité, du récit national, une place de trois semaines par niveau pour ouvrir l’école aux métiers, notamment accessibles par apprentissage. Si les objectifs sont louables (selon son orientation politique) dans les deux cas, ils semblent difficiles à concilier dans des plannings et calendriers contraignants. Il faut dire que la question de la pédagogie, présente chez d’autres candidats, est ici singulièrement ignorée. Par ailleurs, François Fillon peut pencher vers un réel suivisme sur le thème “identitaire” : à Sablé-sur-Sarthe en août pour sa rentrée politique, il affirma ainsi que le “partager la culture” (discours de Sablé-sur-Sarthe en août) avec d’autres peuples… Evidemment, un discours clivant qui n’est guère accepté jusque dans le rang de certains à droite. D’ailleurs, les “modernes” tels NKM ou Alain Juppé (voir notre article) critiquent ici un débat passéiste en décalage avec son souhait de faire entrer la France dans le XXIe siècle.

Un candidat aux propositions crédibles pour le monde de la culture et les politiques culturelles ? (Réalisations et prises de position antérieures…) :

L’ancien Premier ministre cherche à apparaître comme celui qui fera ce qu’il a promis. Et il a effectivement été assez cohérent et solide sur ses prises de position par le passé, qu’on soit d’accord avec lui ou non. Evidemment, rappelons-le, comme ses concurrents, la culture n’apparaît pas au centre des discours, des meetings, des agendas (qui privilégient considérablement France de l’Ouest et monde rural) : il campe sur son électorat, et semble peu avide d’élargir ses bases comme s’il préférait parier sur l’effondrement des deux grands. Mais il faut rappeler qu’il fut un important défenseur de certaines politiques culturelles durant le quinquennat précédent (allant parfois à l’encontre de ses inimitiés personnelles) ; il bénéficie d’une certaine crédibilité de même sur des thèmes comme Hadopi (il a beaucoup travaillé sur la question dès 2009). Son bilan à Paris ou dans la Sarthe en tant qu’élu local est moins probant. Rappelons enfin une incongruité, l’idylle tantôt passionnée, tantôt fusionnelle, tantôt remisée entre Fillon et Renaud… Un mystère…

Degré de crédibilité de l’ensemble :

Avec Faire son livre à succès, par son attitude et avec son “je suis à la tête d’un Etat en faillite”, François Fillon a su se tailler l’image d’un homme très rigoureux et droit. Si on fait attention, on perçoit bien ce que l’équipe Fillon considère comme essentiel (mesures chiffrées, précises) des autres (formulées avec plus d’euphémismes). On voit bien ce qui peut être réalisé de ce qui serait remisé. La crédibilité de ce qui est annoncé (du très modeste) est donc assez forte.

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Franck Jacquet
Diplômé de Sciences Po et de l'ESCP - Enseigne en classes préparatoires publiques et privées et en école de commerce - Chercheur en théorie politique et en histoire, esthétique, notamment sur les nationalismes - Publie dans des revues scientifiques ou grand public (On the Field...), rédactions en ligne (Le nouveau cénacle...) - Se demande ce qu'il y après la Recherche (du temps perdu...)

2 thoughts on “Le sérieux c’est pas merveilleux ? François Fillon vers un projet de culture pour l’identité”

Commentaire(s)

  • Celestine Jean

    Moi, j’y crois.
    C’est vraiment le seul qui dit ce qu(il veut faire sans clientélisme. Bravo et merci

    October 24, 2016 at 20 h 49 min

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