Le programme culturel de Benoît Hamon : l’accès à la culture attendra la refonte du système
« Utopique », « absurde », « irréalisable »… Malgré l’avis de plusieurs économistes sérieux, les adversaires de Benoît Hamon continuent d’assurer que son programme n’est pas crédible car impossible à mettre en œuvre. Qu’en est-il de ses propositions pour la culture ?
Depuis notre revue des candidats en octobre, le programme de campagne de Benoît Hamon s’est étoffé. Le candidat de la gauche du PS propose maintenant 13 mesures pour la culture :
– Généraliser l’éducation artistique à l’école
– Porter le budget de la culture à 1% du PIB
– Imposer une loi anti-trust dans les médias
– Distribuer des « Passeports culture » à tous les jeunes
– Implanter des « Fabriques de culture » sur tout le territoire
– Fonder un « Pavillon de la langue française »
– Octroyer des visas artistes aux talents venus de l’étranger
– Protéger les droits des artistes à l’heure du numérique
– Favoriser l’éducation et la culture à la télévision publique
– Créer un statut de l’artiste tout en préservant celui de l’intermittent
– Promouvoir la culture au sein de l’Europe
– Soutenir la production française de films et de jeux vidéos
– Établir un nouveau modèle économique pour les médias
Plus de culture pour plus d’égalité parmi les jeunes : un classique de la gauche
Dans une campagne présentant la jeunesse comme une interlocutrice privilégiée, Benoît Hamon propose de distribuer des « passeports culture » aux jeunes de 12 à 18 ans. Cette mesure assez floue pour le moment pourrait permettre à ses bénéficiaires d’accéder à la culture à travers le cinéma et les concert mais surtout de susciter leur intérêt pour des lieux moins fréquentés du jeune public : du théâtre aux expositions locales en passant par l’opéra. Bien que l’idée semble intéressante, on manque d’informations sur cette mesure et sur son éventuelle mise en place (par l’État ? l’Éducation nationale ? Les collectivités locales ?). Concernant les plus jeunes, Benoît Hamon souhaite généraliser l’éducation artistique de façon à ce que l’école gomme les inégalités sociales concernant l’accès à la culture. Une mesure qu’il faudrait prendre en parallèle des réformes de l’éducation nationale pour créer une « école inclusive » en créant notamment 20 000 postes d’enseignants supplémentaires à l’école primaire. L’insérant ainsi dans sa politique d’égalité des chances, il est nécessaire selon lui de développer la sensibilité artistique dès l’école primaire en mettant en place un programme « Arts pour tous à l’école » avec le concours des collectivités locales.
#ConfDePresse Les passerelles et échanges entre #éducationnationale et #Culture doivent être renforcés, pour un accès de tous aux arts.
— Benoît Hamon (@benoithamon) 10 janvier 2017
Impliquer les collectivités contre les « déserts culturels »
En effet à travers la plupart de ses propositions à destination de la jeunesse en matière de culture le candidat Hamon affirme vouloir encourager les initiatives locales. Il s’engage ainsi à créer des « Fabriques de culture » réparties sur l’ensemble du territoire national. Ces institutions auraient pour vocation de prendre la relève des MJC et des Maisons de la Culture à bout de souffle. Quels changements apporteraient-elles ? Elles permettraient surtout de faire dialoguer les collectivités locales, le monde associatif et les acteurs du secteur culturel tout en donnant plus de moyens aux initiatives artistiques locales. Ce « nouveau modèle » présenté aux électeurs semble plutôt être une version légèrement plus participative des institutions imaginées par Malraux il y a un peu plus d’un demi-siècle. Benoît Hamon n’est pas le premier à vouloir donner des moyens à la culture au niveau local, mais il semble vouloir s’en donner les moyens : son équipe estime ainsi qu’il serait réalisable de porter à 1% du PIB le budget des politiques culturelles (contre 0,8% actuellement) s’il est élu, « ce qui générerait entre 17 et 20 milliards d’euros ». Cela permettrait de mettre en œuvre les droits culturels prévus dans la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale pour la République) de 2015 et de répartir les moyens promis par Benoît Hamon entre ceux des territoires qui en ont le plus besoin. Cet accès à la culture pour tous s’accompagnerait également d’une numérisation massive des œuvres du domaine public.
Statut des intermittents : un appel du pied entendu ?
Mais en matière de numérique, Benoît Hamon assure aussi qu’il mettra tout en œuvre pour protéger les droits des auteurs français et leur assurer une juste rémunération. Voilà une tâche qui semble bien ardue, tout comme la préservation du statut des intermittents du spectacle. Actifs dans le mouvement de protestation contre la loi El Khomri de 2016, à laquelle le député puis candidat Hamon s’est opposé, ils semble avoir été écoutés puisque celui-ci s’engage à assurer la préservation de leur statut particulier. Couvrant actuellement les activités énumérées dans les annexes 8 et 10 de l’Unédic, à savoir les artistes, les ouvriers et les techniciens du monde du divertissement et du spectacle, cela ne semble pas assez pour Benoît Hamon. Il souhaite aller plus loin en projetant de réformer la protection sociale des artistes et des professions associées de façon à inclure certaines activités qui ne sont aujourd’hui pas éligibles aux annexes comme les auteurs, les scénaristes ou encore les compositeurs qu’ils regrouperait dans un « statut de l’artiste » (inclus dans son souhait plus global de créer un « statut unique de l’actif »). Comme la plupart de ses mesures sur le Travail, celle-ci annonce un violent affrontement avec le Medef.
Le revenu universel, en dépit la sympathie qu’il inspire, n’est ni justifié, ni souhaitable, ni faisable. https://t.co/pAMRcFEUsQ
— Pierre Gattaz (@PierreGattaz) 23 janvier 2017
Imposer par la force le pluralisme et l’indépendance des médias
Benoît Hamon a également l’intention de taper du poing sur la table face à la poignée de milliardaires qui se partagent actuellement les médias français. Il propose ainsi de faire adopter une loi anti-trust qui interdirait qu’un seul groupe puisse détenir plus de 40% des part d’un média ou dépasser le seuil de 20% des parts dans plus de deux médias. Cette loi s’appliquerait à la presse écrite, à la radio, à l’audiovisuel mais aussi à la presse en ligne. Le candidat Hamon espère également imposer à tous les médias plus de transparence en les obligeant à diffuser dans leurs contenus le nom de leurs propriétaires. Ces mesures qui s’annoncent déjà difficiles à mettre en place s’accompagneraient d’une réforme du modèle économique pour les médias. C’est une des mesures les plus floues de ce programme, Benoît Hamon espère ici avoir le pouvoir de faire évoluer la presse française vers un modèle inspiré des fondations à but non lucratif. Dans la même optique, il se montre radical quant à la télévision publique en appelant à la suppression définitive des contenus publicitaires sur les chaînes du groupe France Télévision tout en souhaitant y diffuser plus de contenus éducatifs et culturels.
Soutenir la création française et attirer les créateurs étrangers
Les chaînes de télévisions dans leur ensemble devraient également être davantage encouragées à financer la création cinématographique selon Benoît Hamon. C’est l’une de ses propositions pour les industries françaises du cinéma et du jeu vidéo qu’il qualifie de « filières culturelles d’excellence ». Car le candidat de la gauche du PS compte assurer la promotion culturelle de la France à l’international en soutenant la production et la diffusion de films français (en préservant le modèle de financement du cinéma ou encore en accélérant la modernisation numérique des salles obscures de France) mais aussi en se faisant le défenseur de la culture au sein de l’Europe. Benoît Hamon réaffirme ainsi son attachement au prix unique du livre entre autres. Il propose également de créer un « Pavillon de la langue française » pour promouvoir la langue de Molière et de délivrer ce qu’il appellerait des « visas d’artistes » pour faciliter la venue des créateurs étrangers dans les festivals français.
On l’a bien compris, pour Benoît Hamon la culture doit devenir accessible à tous car pour l’instant « elle reste un marqueur puissant de l’appartenance sociale ». Mais dans le projet pour la France du candidat de la gauche du PS la culture n’est conçue qu’à travers l’action sociale et ne peut être envisagée qu’à travers les réformes qu’il compte mener en matière d’économie et d’éducation. Le revenu universel et la baisse du temps de travail donneraient ainsi les moyens aux travailleurs les plus précaires de s’intéresser à l’art et à la culture. Cependant, malgré le fait que comme pour tous ses concurrents la culture ait été pour Benoît Hamon un thème secondaire, ses propositions en la matière ne manquent pas d’ambition, comme le reste de son programme : entre l’augmentation du budget de la culture à 1% du PIB, une éventuelle loi anti-trust dans les médias et la réforme du statut des intermittents, les mesures annoncées paraissent loin d’être symboliques. Mais le candidat Hamon reste difficile à suivre car on manque encore de précision sur la mise en place et le financement de telles idées. Il est donc difficile d’évaluer la faisabilité de son projet. À suivre donc s’il passe le second tour de la primaire.
Visuel : DR
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4 thoughts on “Le programme culturel de Benoît Hamon : l’accès à la culture attendra la refonte du système”
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arthur
bonjour votre article est bien cependant veuillez bien penser a corriger les bugs de votre site, qui rendent les textes illisibles