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Avignon OFF : la mort, le dernier des “Terminus” 

Avignon OFF : la mort, le dernier des “Terminus” 

21 July 2022 | PAR Lucine Bastard-Rosset

Dans la vie, il y a un Terminus pour chacun de nous, et il est commun à tous : la mort. Dans ce premier seul-en-scène, Alexis Campos interprète Pa, un bouffon sarcastique qui nous mènera à la mort. Un spectacle à découvrir pendant le Festival d’Avignon.

Un personnage créé de toutes parts

Il est assez ironique de dire que Pa prend vie devant nous, cette grande faucheuse qui nous emportera tous, sans exception. Alexis Campos transforme l’intégralité de son corps pour entrer dans la peau de ce personnage, ce bouffon sordide qui rit de la mort. Sur le plateau, il n’est plus le même homme : son dos est voûté, son cou s’allonge au devant, sa voix grince et devient stridente. L’ensemble de sa gestuelle et ses intonations sont étudiées pour que Pa soit Pa. 

A toutes ces mimiques s’ajoute le maquillage : le visage blême, les yeux rouges, le nez noir. Et il y a ce costume, qui le fait sortir d’un autre temps, d’une autre époque. Son long manteau blanc lui confère une allure de pèlerin, mais il ne va en rien voyager dans un lieu saint pour montrer sa dévotion, bien au contraire. “Je m’appelle PA… Enfin, si je m’appelle. C’est PA mon nom. Je suis PA donc je suis… Vous comprenez ?” Celui qui entendra ces mots ne sera plus. 

Rire de la mort

La mort est continuellement présente et rares sont ceux qui l’attendent sans appréhension. Pa est là pour nous parler de la mort, pour nous montrer son autre visage, nous dire qu’il n’est pas toujours si terrible de mourir. Pa met l’homme face aux pires horreurs qu’il a commises, il parle de sa folie meurtrière : les guerres, les fusillades, les disputes de couple qui finissent en carnage. L’homme n’a pas besoin de la mort pour mourir, il s’en occupe très bien tout seul, il est parfois sa propre grande faucheuse. 

Pa, lui, accompagne les personnes vers la mort. Il a toute l’éternité pour le faire, lui qui ne meurt pas, mais aimerait mourir. Il souhaiterait connaître ces sensations qui font que l’on se sent en vie, qui nous font avancer, jour après jour, et profiter du temps qui passe. Pa est seul, et sa solitude le pèse. “Tu ne vis pas pour ne pas mourir”, non, tu vis pour mourir, sinon tu ne vis pas. 

Pa rit de la mort et nous fait rire de la mort. Son humour noir nous fait grincer des dents, mais en même temps, il nous soulage. Il est possible de rire de sujets graves, que l’on pense graves. Il est possible de rire de la mort, même si elle peut être affreuse. Toutes ces ambiguïtés sont amenées dans ce spectacle afin de nous faire réfléchir sur le sujet. 

Entre manipulation et compassion

Pour le metteur en scène Thibaut Garçon, Pa n’est pas un clown, mais un bouffon. “Le clown est manipulé par le public alors que le bouffon, lui, manipule le public. C’est un personnage qui se joue du spectateur”. Dans Terminus, Pa prend à partie le public. Il s’adresse directement à lui, le poussant dans ses retranchements. “Côté après-midi, l’un d’entre vous va crever”, mais qui cela sera-t-il ? Y-a-t-il un volontaire ? Pa veut nous montrer ce qu’est la mort, et pour ce faire, il tuera quelqu’un. 

Ce bouffon a beau être sarcastique, il nous est aussi sympathique. Au fil de la pièce, on se surprend à ressentir de la compassion pour cet être à la voix nasillarde et au rire diabolique. Finalement, il n’est peut-être pas si terrible que ça. 

 

Alexis Campos signe un seul-en-scène remarquable qui ne vous laissera pas indifférent. Une pièce mise en scène par Thibaut Garçon et interprétée par Alexis Campos. Présentée du 7 au 27 juillet, à 13h05, à L’Espace Alya, dans le cadre du festival OFF d’Avignon 2022. Relâches les jours pairs.

Visuel : © Sébastien Marchal

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Lucine Bastard-Rosset
Après avoir étudié et pratiqué la danse et le théâtre au lycée, Lucine a réalisé une licence de cinéma à la Sorbonne. Elle s'est tournée vers le journalisme culturel en début d'année 2022. Elle écrit à la fois sur le théâtre, la musique, le cinéma, la danse et les expositions. Contact : [email protected] Actuellement, Lucine réalise un service civique auprès de la compagnie de danse KeatBeck à Paris. Son objectif : transmettre l'art à un public large et varié.

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