Livres
War songs, quand la BD se fait universelle

War songs, quand la BD se fait universelle

02 January 2011 | PAR Sonia Dechamps

Formellement intéressante, « War songs » est une bande dessinée de guerre éprouvante et marquante, mais dans laquelle on ne s’immerge malheureusement pas de bout en bout.

« War songs » présente beaucoup de qualités. Au premier rang de celles-ci : sa capacité à décontenancer le lecteur. Car ceux qui n’ont pas lu Ivan Brun par le passé, ne peuvent qu’être surpris par la forme que prend cette bande dessinée. Dans « War songs », il y a des cases, tout ce qu’il y a de plus banal. Il y a des bulles aussi. Oui mais des bulles remplies non pas de mots mais de dessins, de symboles. Au lecteur de comprendre ce à quoi chaque petite illustration renvoie, au lecteur d’interpréter – aussi – ce qui n’est pas clairement écrit. Si la plupart du temps la signification des propos dessinés est très claire, il arrive que, butant sur le sens à donner à telle ou telle association de dessins, le lecteur décroche un peu de l’histoire elle-même. Sans perdre réellement le fils, il n’est plus tout à fait plongé dans le récit et, de fait, quelque peu moins sensible à ce qui est véhiculé par les différentes histoires courtes qui composent « War songs ».

Et ce qui est raconté, montré dans cette bande dessinée, c’est une guerre au Proche-Orient, celle d’Irak a fortiori. Sont mis en lumière les enjeux financiers, la naissance des haines, l’escalade de la violence, les promesses de reconstruction sans suite… Ce qui est également raconté, en parallèle, c’est le quotidien dans une cité ; cité où la misère quotidienne est à l’œuvre. Le lecteur se trouve confronté, notamment, aux désillusions d’un jeune garçon qui se rend vite compte que ses diplômes ne lui ouvrent aucune porte, que l’ascenseur social n’autorise pas – plus ? – l’ascension… Et c’est par la télévision, les jeux-vidéos, que le lien est fait entre les deux réalités. Dur.

Pour illustrer ces épisodes de vie assez terribles : des dessins faussement naïfs. Les personnages sont petits, avec de grosses têtes ; représentation généralement utilisée quand il s’agit de dessiner des enfants. L’effet résultant de ce choix graphique est troublant. Il est, à la fois, d’atténuer la dureté de ce qui est montré et, parallèlement, d’en souligner l’absurdité. Les couleurs – pastelles, pâles et de fait assez froides -, viennent contrebalancer une certaine chaleur qui pourrait émaner des dessins en eux-mêmes. C’est à un aspect presque « clinique » que les tons choisis renvoient, donnant cette impression de prise de recul de l’auteur ; indispensable pour traiter les sujets qui sont ceux de « War songs ».

Vient malheuresement, à un certain moment, poindre chez le lecteur le sentiment que l’auteur « tire un peu sur la corde » ; tant sur le plan formel – muette, cette bande dessinée finit par être assourdissante – que dans le message véhiculé. Cette faiblesse se manifeste par un manque de rythme, de renouveau. « War songs », qui aborde pourtant des sujets forts et graves, finit par perdre de sa puissance, donnant l’impression d’un peu tourner en rond, de ne pas avoir assez de pistes à explorer, à développer. Et pourtant le propos est percutant. Si ce qui est montré n’est pas une découverte, c’est une piqure de rappel bienvenue.

Bande dessinée qui dépasse les frontières (nul besoin de traduction), « War songs » est à découvrir tant pour sa forme originale que pour son message.

« War songs » d’Ivan Brun chez Drugstore
Sorti le 8 septembre 2010 – 13,90 euros

Casanova Production
Dealissime, des bons plans glams
Sonia Dechamps

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration