Une biographie de Jean Yanne à lire à “rebrousse-poil”, par Bertrand Dicale

Bertrand Dicale, qui a réalisé différentes biographies de Juliette Gréco, Serge Gainsbourg, Georges Brassens et Louis de Funès, publie aux éditions First-Gründ une intéressante biographie sur Jean Yanne.

TITI PARISIEN

Beaucoup de personnes se souviennent de Jean Yanne, de ses yeux de cocker, de sa voix pleine de gouaille si caractéristique du « titi parisien », de ses sketches, de ses films ou de ses multiples emplois de français moyen, râleur, vachard et égoïste.

Né aux Lilas dans le 93, dans la banlieue ouvrière et communiste, Jean Yanne traitait avec un égal mépris les bourgeois arrogants et les révolutionnaires en chambre. Au cinéma, à la télévision, à la radio, au cabaret, en chanson et même en bande dessinée, ce touche-à-tout traquait sans répit les ridicules de son temps.

JOURNALISTE RATE

Il a fait des études de journalisme, au centre de formation des journalistes à Paris. Mais il ne sera jamais tout à fait un journaliste comme les autres, loin s’en fallait. Il se forgea une légende de journaliste raté. Il mena une interview de l’empereur d’Éthiopie, à qui il n’hésita pas à demander s’« il dessinait lui-même les uniformes de sa garde personnelle ». Ce qui fut moyennement accepté par le dirigeant en question.

LES RADIOS PERIPHERIQUES

Jean Yanne, qui a commencé sa carrière dans les cabarets, a fait les grandes heures des radios commerciales, ou dites périphériques, de la grande époque des transistors. Il a par ailleurs contribué à la célébrité de Jacques Martin et de Daniel Prévost. Jean Yanne a également participé à l’émission de Philippe Bouvard « Les grosses têtes », ce qui n’était peut-être pas la période la plus élégante de sa carrière…

JEAN YANNE ACTEUR

Il a tourné avec les plus grands, comme Claude Chabrol – pour des films tels que « Que la bête meure », « Le boucher » et « La ligne de démarcation » – et aussi avec Stéphane Audran entre autres. Il a également fait des films avec Jean-Luc Godard et Maurice Pialat, Yves Boisset, Claude Lelouch, Alain Jessua et bien d’autres. En général, il a joué le rôle d’hommes bourrus au cœur d’or ou bien des rôles de crapule.

Il fut tour à tour qualifié de réactionnaire, d’anarchiste de démagogue. Malheureusement, comme beaucoup de personnes de sa génération, il connut des hauts et des bas. Il fut très fâché avec le fisc, mais non par idéologie comme beaucoup d’artistes de cette époque.

PRODUCTEUR, REALISATEUR DE FILM

Jean Yanne a réalisé des films, dont certains furent de grands succès, comme « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », où il évoquait explicitement une parabole moderne : la destinée du héros suivant aussi scrupuleusement que possible celle du christ. Ensuite, il réalisa « Moi y en a vouloir des sous » qui critique pêle-mêle clergé, police et syndicats.

Il réalisa un autre film, « Les Chinois à Paris », grâce au financement de Marcel Dassault. Ce film provoqua des difficultés diplomatiques. L’ambassadeur de France à Pékin fut convoqué par le gouvernement chinois durant le tournage.

Au final, c’est une biographie qui relate avec une extrême minutie la vie rocambolesque de Jean Yanne. Cela manque de souffle. Le lecteur court le risque de se noyer dans l’avalanche de détails. Le biographe n’a peut-être pas pris assez de recul.

Cela permet néanmoins d’évoquer une certaine époque, où la parole des artistes n’était pas aussi uniformisée qu’elle l’est aujourd’hui. L’auteur décrit avec brio les mécanismes de censure du pays et l’ascension d’un artiste grâce aux cabarets. En dépit de ces réserves, c’est un ouvrage à consulter !

B. Dicale, Jean Yanne. A rebrousse-poil, Editions First-Gründ, oct. 2012, 497 p., 21,90 euros.