Terres amères de Joyce Carole Oates : un recueil de nouvelles hantées par le deuil.
L’une des grandes écrivaines américaines contemporaines fait un retour fracassant sur la scène littéraire avec Terres amères un recueil de nouvelles aussi terrifiantes et captivantes entre violence et résilience.
L’œuvre de Joyce Carol Oates est un oracle. Et le passage des années ne semble pas avoir atténué le pouvoir de ses prédictions. L’air de rien, elle modèle, dépasse, anticipe la réalité. À l’image de « Terres amères » son dernier ouvrage composé de seize nouvelles brutales et décapantes, parfois insoutenables. Les récits poignants de femmes inoubliables. Toutes amputées : de deux jambes, d’un mari, d’un amour… Elles ont connu la maladie, la mort, parfois l’horreur. Adolescentes mal dans leur peau, épouses insatisfaites, veuves recluses. Leurs chagrins sont furieux, leurs batailles rageuses, leurs passions destructrices. Dans ces seize nouvelles brutales, aimer est une faiblesse mais survivre est une victoire. Certes, la prose de Joyce Carole Oates n’a jamais été recommandée comme berceuse. Mais, en ce qui concerne ce recueil, les enfants auront intérêt à aller se coucher, encore plus tôt, car très vite, Joyce Carole Oates se montre sans pitié pour eux. Bien entendu, les véritables aficionados en redemanderont. Joyce Carole Oates a superbement disséqué le chagrin et le choc provoqué par la mort de son premier mari et, il n’est donc pas surprenant que la perte et le deuil soit les thèmes dominants de ce recueil rageur, dur et viscéralement dérangeant écrit au lendemain du malheur. On n’y cherchera en vain la résignation de la veuve : Joyce Carole Oates semble déterminée à nous, convaincre que la femme en deuil, est une sorte de coupable, une victime qui, dans un sens mérite, tout ce qui lui arrive (et ce n’est pas toujours tendre). La démonstration est réussie, et quel bonheur de lecture que ces pages qui font tomber l’idoles et les clichés avec une santé, une énergie et une plume d’une jeunesse éblouissant.Sauvage, poétique et impitoyable. Joyce Carole haut n’a jamais eu la pâte, plus sûr, le regard plus perçant. Hautement recommandé.
Jean-Christophe Mary
Edition Philippe Rey. 400 pages. Traduit de l’anglais par Christine Auché et Claude Seban