Rentrée littéraire : Revival beat dans le Marais
Dans une comédie grinçante 100 % marais, Frédéric Couraki imagine l’aventure de Simon Glückmann, juif et gay, avec le grand poète Allen Ginsberg, passablement décati et toujours aussi féru de chair fraîche. Sortie le 31 août.
Dans les années 1990, Simon habite le marais en collocation avec une jeune femme éperdument amoureuse de lui : Chardonnay. Solal au petit pied, il traîne son talent littéraire de la rue de rosiers aux backrooms gay du quartier. Alors que le rabbin de la rue du temple se décide à lui passer le relais du service religieux afin de ramener un peu plus d’assistance à la synagogue, sa rencontre avec poète septuagénaire Allen Ginsberg vient révolutionner sa vie et celle ce la communautaire dans un tourbillon de revenez-y « beat ». A grands renforts de psalmodies « om, om, om » et de débauche charnelle, une petite Sodome s’instaure. Parenthèse enchantée ou farce dionysiaque ?
Moquant tour à tour féminisme, religion, et regroupements identitaires et générationnels de tous poils, Frédéric Chouraki signe un livre drôle, léger et très parisien. Bellâtre inconsistant, Simon laisse vite toute la place à Ginsberg, grimé en vieux bouc libidineux. Ecorner ainsi une idole demande beaucoup d’audace ou d’ingénuité. Et si le lecteur sourit à la caricature un peu lourde que Chouraki fait de Ginseberg, il ne peut s’empêcher de se rappeler que l’auteur de « Howl » a quand même écrit un « Kaddish » pour sa mère, qui même produit en plein fly, est une bombe de sentiments violents et profonds, dont un vieux satire serait probablement incapable. En ce sens, il y a quelque chose d’inachevé dans la hargne sympathique de Chouraki, qui n’a pas la finesse des vrais briseurs d’idoles, de Louis-Ferdinand Céline au très juif et très pince sans rire Arnon Günberg. L’ironie fonctionne en roue trop libre pour que l’écriture soit raffinée. Mais entre les lignes de ce texte déroutant d’univocité, on peut peut-être aussi trouver ode aigre-douce à la beat génération. Si Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Neal Cassady, et William Burroughs ne sont évoqués que sous le jour de leurs « amours interdites », en fermant le roman, c’est vers leurs textes qu’on a envie de se diriger.
Frédéric Chouraki, Ginsberg et moi, Seuil, 17 euros.
« La synagogue du temple s’est, sous l’impulsion conjointe des amants poètes, subtilement muée en laboratoire d’un nouveau Psychédélisme. Les discours de Ginsberg insistent sur la désuétude d’un Dieu de colère. Il prône l’amour fraternel, la douceur, les rapports de tendresse. Il trouve dans cette communauté ardente, déboussolée par l’irruption des miracles et par la mort de son pivot, le terreau fertile pour appliquer les préceptes de son mentor, Walt Whitman. Après tous ces mois de mise en condition et de prière main dans la main, la communauté n’a plus peur de la promiscuité, ni de la mixité. Elle a réappris à se caresser, à se câliner, à s’embrasser » p. 184.