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Le carré des indigents d’Hugues Pagan : du sang neuf au pays du polar

Le carré des indigents d’Hugues Pagan : du sang neuf au pays du polar

01 May 2022 | PAR Bernard Massoubre

Dans Le Carré des indigents, Hugues Pagan renouvelle le genre de la littérature policière. Tout simplement.

 

Une enquête pas banale

Elle se passe dans les années 70 : c’est la fin de Pompidou et le début du Solex. Mais, le Carré des indigents est aussi un rappel des polars de Fajardie et de Daeninckx, sans l’idéologie maoïste. Le militantisme révolutionnaire  n’y a pas sa place.
C’est un roman noir, et la couleur n’est plus celle de l’anarchie. Ici, elle est le reflet des âmes. C’est Coluche dans Tchao pantin.
Certes, l’histoire est banale. Un père, un brave type, vient signaler dans un commissariat de l’Est de la France la disparition de sa fille adolescente. Elle s’appelle Betty Hoffmann. Le dossier est confié au jeune inspecteur Claude Schneider. Mais l’enquête n’aura rien de classique, tant elle échappera à tous les poncifs du genre.

Un roman palpitant

Hugues Pagan n’a pas cherché à rendre Schneider attachant, au moins de prime abord. Or, c’est un fait suffisamment rare dans la littérature policière pour être signalé. Dans ce roman, l’humeur du policier est exécrable. Il ne cherche à plaire à personne, et surtout pas à sa hiérarchie.
L’auteur donne l’impression de découvrir l’OPJ en même temps que le lecteur. A tel point, qu’il décrit ainsi le personnage principal : « Je ne sais pas beaucoup plus de choses sur lui que le commun des lecteurs : c’était un taiseux, Schneider, et presque tous ceux qui l’ont connu ont disparu »

Schneider est un type meurtri et son passage en Algérie en 1959 y a largement contribué. La vie de conscrit n’a pas été simple pour cet homme d’honneur.
Par petites touches, Hugues Pagan en a fait aussi un homme de valeur. Son inspecteur est un homme droit, honnête qui évolue au milieu de faits divers sordides avec dignité. Il a une idée fixe, il est le seul à l’avoir et il creuse son sillon. Dans la vie, il n’est pas un modèle, encore moins un héros.
En fait, il n’est pas attaché à sa fonction, il n’est fidèle qu’à sa mission.

Qui renouvelle le polar

Son écriture est comme la lessive Skip : 3 en 1. Un style efficace pour les descriptions et les entrées en matière, un autre percutant pour les dialogues. Et parfois, en fin de phrase, une série d’adjectifs dont il use pour décrire un ciel et ses nuages.
Il n’est pas aisé d’associer tous ces éléments dans un même roman car les écrivains ne sont pas les couteaux suisses de la sémantique. A sa façon, Hugues Pagan l’est un peu.

L’archétype du flic est souvent celui du macho, mais ce n’est pas le cas de Schneider. Il a eu une relation passionnée avec une jeune femme de l’autre côté de la méditerranée, même si l’auteur nous suggère qu’elle ne fut pas charnelle. Pourtant, la séparation fut une déchirure.
Et puis, il y a Betty, massacrée dans la fleur de la jeunesse. Les liens avec cette gamine sont forts, le lecteur le suppute mais il n’en connait pas les raisons.
Les femmes l’habitent, les femmes le hantent. En fait, elles sont pour lui la béquille qui le soutient, comme la corde le pendu.

Le Carré des indigents d’Hugues Pagan, aux éditions Rivages/Noir. 444 pages. 20,50€

visuel  : affiche du livre

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