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« Duel à Beyrouth » de Mishka Ben-David : le prix de la haine

« Duel à Beyrouth » de Mishka Ben-David : le prix de la haine

20 April 2023 | PAR Bernard Massoubre

Duel à Beyrouth est le premier roman de Mishka Ben-David, auteur israélien qui a servi pendant 12 ans au sein du Mossad.

Après l’échec d’une mission contre le chef du Hezbollah Abou Khaled à Beyrouth, Ronen, agent du Mossad, disparait d’Israël. Gadi, son supérieur, part à sa recherche au Liban, marqué à la culotte par les unités mista’arvim. Pourquoi Ronen est-il retourné dans ce pays et quelle sera l’attitude de Gadi si jamais il le retrouve ?

C’est alors le début d’une intrigue haletante, dans laquelle le duel initial se termine par une partie de billard à plusieurs bandes.

Le bandeau du polar met en exergue la particularité de Duel à Beyrouth : « Le premier roman d’espionnage écrit par un ancien du Mossad ». D’autres livres ont été publiés, mais par d’anciens membres du renseignement militaire (Unité 8200 de Dov Alfon) ou du Shin-Beth (Le poète de Gaza de Yishaï Sarid).

Ainsi, les anciennes fonctions de l’auteur accentuent la véracité des situations, portées par un style littéraire avéré.  

Les enseignements de Duel à Beyrouth sont nombreux, et parfois inattendus pour le lecteur français.

Après avoir raté leur intervention à Beyrouth, Gadi et Ronen passent devant une commission d’enquête. Le but est d’identifier le coupable (le responsable est connu, il s’agit de Gadi)

Mishka Ben-David décrit un aéropage administratif, et surtout politique. L’ambiance y est lourde, malsaine. La remise en cause possible du Mossad, du ministre de la Défense ou du premier ministre n’échappe pas aux membres de la commission.

Le rapport du Mossad à la presse et à l’opinion publique

Il n’est pas toujours bon, notamment en cas d’échecs des missions des services de renseignement. C’est alors l’occasion de les ridiculiser.

En retour, les agents du Mossad souffrent de l’ingratitude de la population israélienne, mais aussi européenne. «… Seuls des mois et des années d’un travail acharné, constant et sale, empêchaient l’émergence, dans des zones à forte population musulmane en Europe, de cellules terroristes qui seraient capables de détourner des avions dans les tours Azrieli de Tel-Aviv ».

On reproche aussi au Mossad de donner des informations opaques. Un personnage du roman avoue en effet : « De toute façon, les informations ne viennent pas de nous, c’est nous qui les fabriquons ».

Les risques d’enfermement, d’aveuglement, et de perte de repères

La mission au Liban a affecté Ronen, qualifié par Mishka Ben-David de soldat dément. Cet agent a perdu le sens de l’évaluation des situations sur le terrain. Son chef Gadi s’inquiète de son manichéisme qui oppose les « Abou » aux « Cohen ».

Le fil rouge de Duel à Beyrouth pose in fine la question du sens et du prix de l’engagement. La fin justifie-t-elle les moyens ? Ce polar est un peu un remake moyen-oriental des mains sales de Sartre ou des Justes de Camus.

Le désarroi des épouses face à l’attente, face au danger

Il ne concerne pas que le Mossad certes, mais il est bien exprimé dans ce roman. En effet, la priorité des agents est la mission, et celle-ci passe bien avant la famille. Il faut s’y faire et ce n’est pas toujours facile.

« La mort était une certitude, la seule inconnue étant le moment de sa venue : cette perspective permettait à Gadi d’entreprendre des missions très risquées, presque calmement ».

Mishka Ben-David pimente le roman (la femme de Ronen est l’ancienne épouse de Gadi) sur fond de jalousie et de rancœur. Mais, la fin est aussi une belle histoire d’amitié entre deux épouses qui se retrouvent. Comme une lueur d’espoir dans la nuit des hommes.

 

Duel à Beyrouth est un polar passionnant, plein de rebondissements. Avec ce roman, Mishka Ben-David sonde les reins et les cœurs de la société israélienne.

 

Duel à Beyrouth de Mishka Ben-David. Éditions Nouveau monde, 2023, 353 pages, 19,90€.

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Bernard Massoubre

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