Fictions
« De femme en femme » d’Hélène Couturier : un patchwork de mousseline et de chanvre

« De femme en femme » d’Hélène Couturier : un patchwork de mousseline et de chanvre

24 May 2023 | PAR Bernard Massoubre

Femme aux nombreuses casquettes (écrivain, scénariste, illustratrice, réalisatrice, plasticienne), Hélène Couturier nous enchante avec son dernier livre De femme en femme.

Pourtant, la lecture de la première page, sans dialogues, déstabilise le lecteur. En effet, le style d’Hélène Couturier est inhabituel, comme un mélange de Duras (phrases courtes) et de Proust (phrases longues). Sans pause, à la limite de l’essoufflement. Et puis, la magie opère à la page suivante : le récit, à la première personne, devient envoutant.

Malgré tout, le style puissant porte l’intrigue. L’humour déborde au fil des lignes. Il est drôle, frivole, sarcastique souvent ; noir et désabusé parfois surtout à la fin du roman.

De femme en femme raconte l’histoire d’Ytias Mammeri, Kabyle (et fier de l’être). Dans la vie, le jeune homme est sportif, il est professeur de krav maga. Le soir, il va en boite pour danser, pour draguer, pour baiser. Sa mère l’adore, une femme de ménage qui se parfume à l’eau de Javel comme dit joliment Hélène Couturier. Mais, Il abhorre son père qu’il qu’il nomme le géniteur, et surtout l’Enfoiré avec un E pour signifier qu’il en est vraiment un. Et, on comprend, par bribes, que le père est violent, qu’il bat sa femme et son fils. Le carrelage de l’appartement doit briller sous peine de sévices.

« …quand l’Enfoiré apprend que je pratique l’art du combat rapproché de la tribu des châles à frange et lampe frontale, il hurle que je suis un fils de pute juive. J’aurais tellement aimé que ce soit vrai ».

Un soir au Frida, Ytias fait la connaissance d’Elodie, qu’il quitte au matin dans des conditions obscures. « Mains gelées. Nez gelé. Je mets le contact. Le moteur tourne. 4h28. Je pousse le chauffage à fond. Du sang séché sur mes doigts ».

Hélène Couturier a écrit un polar plus subtil qu’il n’y parait. Ainsi, l’auteure décrit la difficulté de communiquer, les pulsions (sexuelles) et les passions (amoureuses). Dans ce jeu de l’amour et du hasard, Ytias passe De femme en femme, mais le roman aurait pu s’appeler aussi D’homme en homme car les femmes donnent aussi le change. Dans ces mondes clos, chacun essaye de trouver chaussure à son pied, à défaut de le prendre. La solitude est pathétique.

Mais, l’auteur dénonce surtout la faiblesse du sexe « fort », la violence faite aux femmes, la folie. Par lâcheté sans doute, Ytias préfère s’acharner sur une jeune femme, rencontre d’un soir, plutôt que sur son père honni.

En conclusion, l’Enfoiré a gagné.   

 

De femme en femme d’Hélène Couturier. Éditions Rivages/Noir, décembre 2022, 188 pages, 19€.

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