Petits secrets et grands privilèges de l’Assemblée nationale, par Bruno Botella
Rédacteur en chef du mensuel « Acteurs publics » et du site acteurspublics.com depuis 2007, Bruno Bottela vient de publier aux éditions du Moment une enquête polémique sur les privilèges de l’Assemblée nationale. Cet ouvrage qui a bénéficié d’une très bonne couverture médiatique s’intitule Petits secrets et grands privilèges de l’assemblée nationale.
A l’heure de la transparence, de la république exemplaire et normale, que connait-on de l’Assemblée nationale et du Sénat ? A l’évidence, trop peu. C’est pourquoi Bruno Bottela a choisi de s’intéresser à l’Assemblée nationale. Il est en effet particulièrement bien placé et bien renseigné, car il est rédacteur en chef du mensuel « Acteurs publics », spécialisé sur les intervenants du secteur public.
LES HAUTS SALAIRES DES FONCTIONNAIRES DE L’ASSEMBLE NATIONALE
Fièvre immobilière, organisation défiant toute logique, us et coutumes d’un autre temps, l’Assemblée nationale vit selon ses propres règles, contournant le tour de vis budgétaire auquel se soumet l’Etat, payant royalement ses quelques 1.200 fonctionnaires.
Les salaires des fonctionnaires sont l’un des secrets les mieux gardés de la république : les fonctionnaires de l’Assemblée nationale mènent « grand train de vie », alors que les députés se plaignent fréquemment de ne pas avoir de moyens pour exercer leurs fonctions.
Les fonctionnaires de l’Assemblée nationale sont payés au minimum de 75 à 100% de plus que leurs homologues de la fonction publique. Le taux des primes peut atteindre 120%, contre 25, 4% en moyenne pour les fonctionnaires de l’Etat. Le salaire moyen d’un fonctionnaire de l’Assemblée nationale est de 7.862 euros brut, contre 2.830 euros pour un fonctionnaire d’Etat. Pour les retraites, on retrouve la même distorsion. Les syndicats maison n’ont pas besoin de demander, on devance leurs désirs…
LES RÉSERVES DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
L’Assemblée nationale dispose d’un véritable « trésor de guerre » évalué à plus de 239 millions d’euros et réalise chaque année un bénéfice (par exemple, en 2011, il s’élevait à 20,56 millions d’euros). L’Assemblée nationale exerce aussi le métier de « banquier » pour son personnel et les députés. L’encours serait de 127 millions d’euros, rien de moins.
LA SÉPARATION DES POUVOIRS ET L’AUDIT DE LA COUR DES COMPTES DE 2008
L’Assemblée nationale s’abrite régulièrement derrière le principe de la séparation des pouvoirs pour refuser tout contrôle de la Cour des comptes. En 2008, la Cour des comptes, sous la présidence de Philippe Seguin, effectua un audit des comptes de l’Assemblée nationale. Cet exercice fut très mal vécu, de nombreuses fuites eurent lieu dans la presse. La Cour des comptes ne remettra plus les pieds à l’Assemblée nationale et le rapport fut même détruit en juin 2012…
Depuis, il est impossible de trouver en ligne le rapport dans son intégralité, et notamment le montant de certaines subventions. D’aucuns affirment à cet égard que quelques 125.000 euros furent accordés au club de sport de l’Assemblée et quelques 26.000 euros au coiffeur du Palais Bourbon.
CHACUN SA FAMILLE, ON NE SE MÉLANGE PAS
A l’Assemblée, les assistants parlementaires sont certes légion, mais ils ne se mélangent pas. Car la règle, c’est que chacun vit avec « sa famille ». A l’Assemblée nationale, être assistant parlementaire, c’est la précarité absolue. Selon l’auteur, le code du travail ne semble pas être appliqué pour tout le monde de la même façon… Le député reçoit une enveloppe financière pour payer ses collaborateurs. A défaut, explique Bruno Botella, il récupère pour lui cette subvention. Cette pratique sera interdite à partir de 2013.
Le journaliste évoque aussi les emplois familiaux fictifs (il arrive souvent que les parlementaires emploient par exemple leur épouse, leur fils ou fille, leur maîtresse ou leur amant).
L’enquête de Bruno Bottela est de bonne facture et ne verse pas dans un poujadisme outrancier. Il est évident que les choses doivent évoluer. Si l’on se fie à l’analyse de l’auteur, la France est encore loin de la pratique économe, transparente et finalement très démocratique des pays scandinaves.
Bruno Bottela, Petits secrets et grands privilèges de l’Assemblée nationale, éditions du Moment, janvier 2013, 171 p., 16,5 euros.