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“Patria” : Deux familles basques dans la tourmente, par Fernando Aramburu

“Patria” : Deux familles basques dans la tourmente, par Fernando Aramburu

29 April 2018 | PAR Jean-Marie Chamouard

Patria, de l’auteur espagnol Fernando Aramburu a reçu le prix national de littérature narrative en 2017. Le livre s’attache à deux familles déchirées par la violence politique au Pays Basque espagnol, dans un village proche de San Sébastien puis décrit le lent processus de réconciliation après le renoncement de l’ETA à la lutte armée (le 3 Octobre 2011).

[rating=4]

Le livre raconte l’histoire de deux familles autrefois très proches et amies qui s’affrontent depuis l’assassinat du père, Txato, par l’ETA .Le roman commence par une bonne nouvelle: par un bel et doux après midi d’automne Bittori, la veuve de Txato apprend la proclamation par l’ETA de la fin de la lutte armée. Elle revient alors peu à peu au village et réinvestit sa maison qu’elle avait fuit après le décès de son époux.

On découvre alors le passé des deux familles jusqu’à l’irréparable, l’assassinat de Txato. Joxe Mari, le fils de Miren, auparavant très liée à Bittori a rejoint l’ETA puis sera arrêté et incarcéré pour une longue peine ce qui pousse Miren à épouser les positions indépendantistes extrêmes. La violence politique isole les individus et détruit les couples, la vie familiale et sociale. La description du dernier jour de Txaco est poignante. Le chef d’entreprise est acculé dans sa vie professionnelle, isolé et entravé dans sa vie quotidienne. L’ETA enferme le village sous une chape de plomb. Le soutien des villageois à l’ETA est surtout passif, lié à la peur et à la pression sociale.
Les deux femmes, Bittori et surtout Miren sont intraitables, murées dans le malheur. Elles ont toutes deux des certitudes très conservatrices ce qui provoque des conflits avec leur filles respectives Néréa et Arantxa. Celles ci essayent ainsi que Gorka le fils cadet de Mirer de se libérer personnellement de ce “puits de tristesse, de rancoeur et de mélancolie”.

L’évolution vers le terrorisme de Joxe Mari apparaît presque banale: au début c’est comme un jeu sportif, une affaire de bande de copains. Puis au café les esprits s’échauffent et commencent les premières actions violentes et la haine apparaît. La vie d’un “commando” clandestin est ensuite décrite de l’intérieur avec la préparation des attentats mais aussi la crainte croissante d’être traqué, jusqu’à l’arrestation accompagnée de violences policières.

En découvrant ce passé dramatique, ll’on mesure la difficulté pour les individus d’établir la paix. La fin du livre est consacrée à la réconciliation. Le retour de Bittori au village a crée un choc. Puis viennent les rencontres entre Bittori et Aranxta, la venue de Joixan le mari de Miren sur la tombe de Taxto et les lettres de Bittori à Joxe Mari. Ce dernier après un travail psychologique demande pardon à Bittori, lui apportant enfin la paix. Le roman se termine sur une accolade entre les deux femmes “ennemies”, Bittori et Miren.

Le roman est divisé en de nombreux petits chapitres décrivant chacun un fait ou une situation, ce qui donne un caractère aéré au récit. L’auteur y dévoile le drame et ses protagonistes par petites touches successives. Il faut souligner la qualité de l’analyse psychologique des principaux personnages.

L’intérêt du livre est d’éclairer le conflit basque espagnol avec de multiples points de vue. L’auteur prend partie contre la violence politique. L’accident vasculaire cérébral d’Arantxa symbolise cette impasse de la violence. C’est un” Lock in Syndrome” un enfermement d’une personne consciente mais sans possibilités de communiquer avec autrui. L’auteur n’élude pas la violence institutionnelle mais il aborde peu le passé franquiste pourtant important dans l’histoire politique Basque. Il propose la culture comme remède ou prévention de la violence et il aborde brièvement le thème de l’oubli pour les victimes La lente réconciliation entre les deux familles permet de terminer le livre sur une note optimiste.

Fernando Aramburu , Patria , Actes Sud ,614 pages, 25 Euros,sortie le 7 mars 2018
visuel : couverture du livre

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Jean-Marie Chamouard

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