Les eaux tumultueuses : Aharon Appelfeld dresse un pont entre Badenheim et la Palestine
L’auteur israélien d'”Histoire d’une vie” (Prix Médicis étranger 2004) et récemment du “Garçon qui voulait dormir” (2011) renoue avec le Badenheim 1939 qui avait fait sa renommée (1979) dans un récit où villégiature et nazisme montant créent un climat à la “Montagne magique” avortée tout à fait prenant.
A la fin des années 1930, la maison Zaltzer attend sa livraison annuelle de clients venus des quatre coins du monde germanophone, un peu buveurs, un peu séducteurs, très joueurs, et volontiers juifs. Mais le train ne livre que très peu de touristes de l’ancien monde alors que l’Europe est en train de sombrer. Le jeu et ses dilapidations sont alors à oublier et, face aux conseils très chrétiens du serveur du bar qui coupe son calvados d’eau, Zoussi, Rita et Benno, semblent bien devoir envisager leur avenir par-delà les soucis de dette ou de bonnes adresses. Il est peut-être temps de quitter les raffinements de l’Ancien monde pour aller creuser la terre au soleil d’une terre toute nouvelle, même si anciennement promise.
Abordant les questions qui fâchent (les idées sionistes, le caractères antijudaïque du catéchisme d’avant Vatican II) par une voie de fiction qu’il a déjà empruntée – le lieu de villégiature comme miroir de la dystopie totalitaire- Appelfeld creuse le sillon riche et intransigeant de son œuvre, sans jamais se répéter. Toujours traduites par Valérie Zenatti, “Les eaux tumultueuses” enchantera les fans du maître et tous les nostalgiques -néanmoins critiques – de la Mitteleuropa.
Aharon Appelfeld, “Les eaux tumultueuses”, trad. Valérie Zenatti, L’OLivier, 192 pages, 19 euros. Sortie le 21 mars 2013