Livres

Jean-Paul Enthoven pose l’hypothèse des sentiments

02 April 2012 | PAR Yaël Hirsch

L’auteur des “Enfants de Saturne” (1996) et de “Ce que nous avons eu de meilleur” (2008) propose une romance qui commence dans la lumière du hasard romain. Où comment une noble au cœur enneigé et un Solal qui verrait l’orée de l’hiver tombent amoureux pour se sentir vivants.

Rome sous la lumière du début de l’été. Le héros, Max Miller, descend seul de son appartement de la place des Invalides vers la ville éternelle pour célébrer la mémoire d’un de ses amis scénaristes mort. Sur place, il a une charmante maîtresse, et au milieu du chemin de sa vie d’homme lettré, une foule de petites habitudes luxueuses. Mais, au moment du départ, fausse note : le bagagiste alerte du palace romain où il est descendu mélange sa valise rouge avec celle d’un autre client. En l’occurrence, une autre cliente, charmante baronne de 35 ans, Marion, qui a laissé dans sa valise ses antidépresseurs, un exemplaire d’Anna Karenine et son journal intime. Ce dernier retient l’attention de Max qui descend à Monte-Carlo rendre la valise à la diariste. Celle-ci loge au Grand Hôtel, auprès d’un mari qui perd la raison. Max demande par écrit (oui, les hommes qui savent vivre écrivent encore des vraies lettres) un rendez-vous. Sans réponse. Par le trébuchement du sort ou de ses prophètes, Max parvient à revoir la belle Marion, 7 semaines plus tard, le jour de l’Ascension, devant une église du sud de la France. Un début de dialogue a lieu, qui se poursuit par d’interminables conversations nocturnes autour de Karenine et l’adultère à la russe. Finalement, nous ne croyons pas vendre le fin mot de l’histoire quand nous révélons que les deux nouveaux amateurs de littérature russe deviennent amants. L’une, plutôt éteinte et dépressive s’étonne de s’embraser, et son amant, d’habitude gentleman détaché, se surprend à sentir une certaine obsession… Seraient-ils vraiment amoureux ? Si oui, cela peut-il durer ? malgré les questions, devant les faits, il faut bien poser quelque part l’hypothèse des sentiments.

Solal a vieilli et s’en porte bien. Pas de revendication, la sagesse de ne poser aucune certitude et beaucoup de références dans ce roman touffu et néanmoins très fluide. Les notes de bas de pages mettent cet amour à distance pour le lecteur. Il s’agit donc d’une histoire d’amour autopsiée, étape par étape. Et même si certaines prévisions inéluctables se vérifient, les personnages donnent envie de croire à leur histoire. Les histoires d’amour se finissent mal en général, mais, éclairés à la lumière de Tolstoi, Van Dyck, Dante et même (malgré le caractère didactique) Stendhal, l’entre deux de deux corps parfaitement assemblés semble valoir la peine. Malgré les hypothèses, les cynismes et les gants blancs, le bovarysme opère.

Jean-Paul Enthoven, “L’hypothèse des sentiments”, Grasset, janvier 2012, 400 p., 21 euros.

Dès que deux êtres s’avouent à eux-mêmes qu’ils sont en train de faire le contraire de ce qu’ils s’étaient promis, leur sort se précise“. p. 212.

 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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