Je vais beaucoup mieux que mes copains morts, l’humour noir et vie de Viviane Chocas
Après le succès de “Bazar Magyar” (2006) où la quête des origines passait par la nourriture, Viviane Chocas publie en ce début d’année 2012 un deuxième roman chez Héloïse d’Ormesson. Cette fois-ci c’est plutôt l’expérience et l’âge des retraités dont elle s’occupe, qui vont permettre à la jeune Blanche de retrouver la trace du père. Un roman vibrant et drôle.
La vingtaine à peine passée, Blanche est seule au monde et consacre sa vie à animer des ateliers dans une maison de retraite. Un peu timorée en engageant la discussion avec la dizaine de pensionnaires ridés et généreux qu’elle est censée “organiser”, elle prend peu à peu de l’assurance et les sujets de conversations deviennent de plus en plus intimes. Tout ceci donne un sens fort à son existence un peu étrange, oscillant entre ces grands placards de passé qui se déversent sur sa poitrine et ses ébats amoureux avec un jeune-homme qu’elle connaît à peine mais autour duquel elle s’enroule comme si elle l’avait toujours connu…
Avec infiniment de tendresse et tout autant de talent dans l’élégance du style, Viviane Chocas esquisse en contrepoint les vies encore battantes de “seniors” qui se sentent écoutés et celle débutante et encore balbutiante de son irrésistible héroïne. Il livre ouvert sur le passé et l’avenir, la quête de soi et la rencontre de l’autre, qui parvient entres-autres à incarner avec talent son personnage principal à travers des scènes de sexes sensuelles, originales et pétillantes. Jamais gnagnan, le livre a pour départ et pour titre un joli mot d’esprit de l’artiste François Morellet, qui donne le la de l’humour noir baigné de joie de vie que distille cette lecture. Un joli concentré de vitamines littéraires pour cet hiver.
Viviane Chocas, “Je vais beaucoup mieux que mes copains morts”, Eho, 180 p., 17 euros. Sortie le 12 janvier 2012.
“Dès leur première rencontre, Blanche avait jugé que Renée, quatre-vingt-treize ans, phrases rythmées, oeil vif, gestes déterminés, jouait un cran au-dessus des autres. Le groupe qu’elle fait travailler à la Maison des Roses réunit les deux sexes, des origines géographiques diverses, des camps politiques opposés, et toutes les classes sociales. Certains savent lire, d’autres pas. Certains ont fait la guerre dans le camp de la Résistance, d’autres se sont méchamment planqués. Il y a ceux qui se sont mariés, une, deux, trois fois même, ceux qui sont restés toute leur vie célibataires. Renée fait partie de celles qui ont eu des enfants“. p. 37.
Portrait © Arnaud Février