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Grandeurs et petitesses de la vie américaine : <em> Sur les jantes</em> de  Thomas McGuane

Grandeurs et petitesses de la vie américaine : Sur les jantes de Thomas McGuane

15 February 2012 | PAR La Rédaction

Dans son dixième roman, Sur les Jantes, Thomas McGuane, auteur emblématique du Montana, suit le quotidien d’un médecin dans une petite ville de province américaine. Foisonnant et passionnant.

Terre bénie des écrivains américains, le Montana, on le sait, n’en finit pas d’inspirer les plus grandes plumes. Comme Jim Harrison, son grand ami depuis la fac, Rick Bass, Raymond Carver et Thomas Savage, Thomas McGuane a fait siennes, pour y avoir grandi, les vastes étendues de cet état du Nord-ouest des Etats-Unis, l’un des moins peuplés du pays. Après un premier roman très remarqué, Le Club de chasse, écrit en six semaines à trente ans, il y a rédigé plusieurs ouvrages, dont Embuscade pour un Piano, pour lequel le New York Times le qualifia de « talent au potentiel Faulknerien ». Grisé par le succès, l’alcool et les drogues, McGuane, 72 ans aujourd’hui, faillit pourtant passer à côté de sa carrière littéraire, en cédant aux sirènes et à l’argent de Hollywood. Là-bas, connu pour ses frasques sous le nom de Captain Berserko, (Capitaine Barjot), il signa plusieurs scénarios ainsi qu’un film adapté d’un de ses romans (33° à l’ombre), avant de revenir – choix ô combien judicieux- sur les terres de sa jeunesse. Il avait auparavant manqué de laisser la vie dans le crash de sa Porsche…
« Sur les jantes », son dixième roman très attendu (son premier depuis sept ans) nous plonge dans l’atmosphère de Livingston, une petite ville où son héros, Berl Pickett, qui y a grandi, exerce la médecine. « Respirer la banalité de ma ville était une sorte d’anesthésie qui maintenait la douleur en respect », fait-il dire à son personnage. Formidable lieu d’observation d’une Amérique vieillissante et malade de son conservatisme et de ses fantasmes, son cabinet voit défiler femmes battues, hypocondriaques et banals dépressifs. Pour une raison qui lui échappe, l’homme se voit accuser d’être responsable de la mort de Tessa, une de ses amies, et, contraint d’abandonner son emploi pour retaper des maisons, se repasse le fil de sa vie. De son enfance auprès de parents pentecôtistes, un brin illuminés, à sa rencontre avec une aviatrice qui n’est pas si blanche qu’elle le semble, en passant par son initiation sexuelle avec sa propre tante et ses séjours dans différentes familles d’adoption, cet autoportrait à la fois irrésistible de drôlerie et mélancolique dépeint avec brio l’itinéraire d’un ancien « crétin » qui a bien du mal à trouver sa place dans le monde où il a pourtant choisi de faire oeuvre utile. Sur cette route, où l’on rencontre une myriade de personnages extrêmement attachants (un médecin de campagne, mentor de Pickett, une jeune femme amoureuse qui tombera sous les coups de son mari…), on se laisse volontiers porter par les événements rocambolesques qui parsèment le quotidien du médecin, ancré dans sa province reculée. Le récit de son 11 septembre, passé seul à camper au bord d’une rivière au fin fond du Canada, la perte d’un chien au cours d’une partie de chasse, et même le suicide encouragé d’un jeune homme violent, sont autant de moments dont la force nous bouleverse. Dense d’histoires singulières, foisonnant de détails, le roman, écrit dans un style alerte et incisif, offre parfois, comme il se doit, de magnifiques descriptions d’une nature qui incite à l’humilité du recueillement. Très en verve, McGuane, un expert du rodéo et des chevaux, excelle dans ce portrait d’une Amérique forcément séduisante de fragilité et de grandeur, vue à travers le prisme d’un Candide, son inoubliable double.

Ariane Singer

« Le lancer qui fait vibrer la poignée, la ligne qui flotte puis qui s’immobilise, l’arc que décrit la canne, le mouvement au fil de l’eau. La seule raison pour laquelle on fait tout cela, c’est ce sentiment d’éternité, cette conscience d’être en harmonie avec son propre rythme biologique et de se dépasser. »

Thomas McGuane. Sur les jantes. Christian Bourgois, 495 p. 23€.

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