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Grand Maître de Jim Harrison, faux roman policier et légère déception

09 October 2012 | PAR Olivia Leboyer

Après le très beau recueil de nouvelles Les Jeux de la nuit en 2010, Jim Harrison revient avec un faux roman noir. Le romancier est fidèle à ses obsessions (paysages, chasse, bonne cuisine, sexe), mais ce n’est pas son meilleur livre. Heureusement, un excellent recueil de poèmes sort en même temps !

Le titre du roman est assorti d’une légère précision « (faux roman policier) ». Clin d’œil malicieux, indice de parodie, certes. Mais les vrais bons romans noirs n’ont pas besoin d’excuses pour échapper au genre et les parodies, bien souvent, se mordent la queue…

Aussi est-on un peu déçu par ce nouveau Jim Harrison. Juste un peu, bien sûr, car le style est là (et la traduction du talenteux Brice Matthieusent aussi !). Mais on préfère les descriptions de paysages, les histoires de pêche à la truite en Amérique, à la pseudo intrigue policière, délibérément molle. Par moments, on a même la désagréable impression que Jim Harrison sacrifie à tous les codes du genre, mais pour les tourner en dérision. Ce que n’ont jamais fait un Simenon ou un Dashiell Hammett. Roman noir et humour, ça marche chez Léo Malet ou chez San Antonio, parce qu’il y a une vraie démarche d’écriture, aux marges du genre. Ici, c’est comme en se baladant que Jim Harrison déroule son intrigue : une enquête sur un viol présumé dans le milieu des sectes. Le personnage du gourou est décrit avec bonheur, tout comme celui de l’inspecteur Sunderson. Mais pourquoi diable ce personnage de jeune hackeuse gothique qui évoque nécessairement, et évidemment à dessein, la Lisbeth Salander de Millenium ?

Alors, oui, on est un peu déçu, mais c’est à la mesure de l’attente que suscite tout nouveau Jim Harrison. On se consolera avec son nouveau recueil de poèmes, bien plus évocateurs !

Grand Maître de Jim Harrison (The Great Leader, A Faux Mystery, 2011), éditions Flammarion, 2012 pour la traduction française, 352 pages, 21€. Paru le 5 septembre 2012.
« Près de la cabane de Marion, au fond des bois et à huit cents mètres de toute autre habitation, coulait une petite mais très jolie rivière à truites dont la source se trouvait près de deux cents kilomètres en amont dans un vaste marais aux castors. » (p. 67)

Une heure de jour en moins, de Jim Harrison, poésies, traduction Brice Matthieusent, Flammarion, 217 pages, 19€.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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