Fictions
Opération Sweet Tooth : Ian McEwan au top de son art dans un thriller drolatique

Opération Sweet Tooth : Ian McEwan au top de son art dans un thriller drolatique

30 December 2013 | PAR Yaël Hirsch

L’auteur britannique de Amsterdam et de l’Enfant volé est de retour dans la collection « Du monde entier » chez Gallimard avec un vrai-faux thriller d’ambiance guerre froide, bondé d’humour et de psychologie. Un régal.

[rating=5]

Venue d’une famille modeste et provinciale, le jeune Serena intègre Cambridge au début des années 1970 car elle est poussée par ses parents à étudier une discipline où peu de femmes se risquent : les maths. Peinant sur les équations, alors qu’elle ne vit et ne rêve que de littérature anglaise, elle connaît sans tambours ni trompettes, ses premiers émois amoureux à l’université. Le dernier été, elle devient la maîtresse d’un homme qui a plus de deux fois son âge et qui serait un agent secret de sa majesté à la retraite. Après une rupture brutale de cette liaison à laquelle elle tenait, Serena finit sans honneurs son BA. Et est appelée à travailler pour le MI5. Bien sûr, il y a quarante ans, une jeune-femme de 22 ou 23 ans engagée par les services d’espionnages britanniques, était reléguée aux tâches de secrétariat subalterne. Sans aucun espoir de grimper les échelons. Sauf que le MI5 décide de se lancer dans de la politique culturelle, et que les lectures contemporaines de Serena l’amènent à jouer un rôle important dans l’opération « Sweet Tooth » : séduire assez un jeune écrivain talentueux pour qu’il écrive avec des sous provenant de la propagande anglaise. Le tout avec une liberté mesurée bien sûr… C’est ainsi que Serena va proposer une jolie somme au jeune écrivain prometteur Tom Haley et devient un « vrai » espion…

Avec la finesse d’une lame de rasoir et tout le mordant qu’on imagine appartenir au caractère national britannique, Ian Mc Ewan dresse à la fois n très joli portrait de femme, témoin d’une génération où l’indépendance est le maître-mot, bien plus que la « libération », et en profite pour établir une caricature désopilante de toute une littérature de guerre froide aux thèmes attendus et dont James Bond est la face la mieux connue. Dans le monde des agents secrets de Sa Majesté, selon le rapport vraisemblable d’Ian McEwan, le machisme est la règle, le sexe est modérément excitant, les sentiments arrivent toujours comme un cheveu sur la soupe, les secrets sont un peu éventés et pas très intéressants et, surtout, la propagande très lourde. Les doubles-agents sont à la fois mystérieux et bedonnants, et la classe c’est de savoir mourir seul sur une île perdue du Nord de l’Europe… Tout un programme, qui ne perd jamais la tendresse de vue. Chapeau bas et une lecture diablement agréable d’une auteur fin et élégant. A recommander et à offrir sans modération.

Ian McEwan, Opération Sweet Tooth, trad. France Camus-Pichon, Gallimard, « Du monde entier », 443 p., 22.50 euros. Sortie le 9 janvier 2014.

[Critique] « Le Loup de Wall Street », magnifique plongée sous acides dans le monde de la finance
«Le Chardonneret » de Donna Tartt, le roman de la rentrée de janvier ?
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration