“Obsessions”, Jean-Jacques Schuhl se montre de profil, en dandy international
L’auteur d’Ingrid Caven (Goncourt 2000) continue à faire l’Entrée des fantômes (2010) dans une suite de nouvelles où il se peint en dandy parisien désœuvré allant à la rencontre de grandes stars, toujours dans les décors les plus raffinés. La vie se déguste comme au cinéma dans ce A Rebours du 20ème siècle.
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Que ce soit à Paris où à New-York le narrateur évolue dans de très beaux endroits, boit les meilleurs alcools et se rappelle des rencontres d’esthète : le cinéaste Jean Eustache dont il dresse le portrait, un des derniers amants de Andy Wharhol, ou encore une Madame Claude très chic qui lui offre un fouet à utiliser dans un palace chic avec une femme soumise. Admirant ouvertement l’égérie de Visconti, Helmut Berger, très attentif à sa mise et au lieu où ses expériences esthétiques risquent de l’entraîner, l’auteur se présente comme un dandy velléitaire dont la vraie oeuvre est le train de vie.
Petit frère du Des Esseintes que Joris-Karl Huysmans a décrit dans le mythique A Rebours (1884), ce dandy du 20ème siècle est tout naturellement cinéphile et ne voyage pas plus loin que New-York, bien volontiers en pensées, d’ailleurs. Marchant avec élégance sur les vestiges d’un monde décadent, vantant le style pour le style à une époque qui s’en désintéresse, ce personnage a quelque chose qui rappelle Toni Servillo dans La Grande Bellezza : à la fois très lucide sur son temps, et pourtant appartenant volontairement à un passé consumé. Un texte magnifique qui séduira dandys, amateurs de curiosités et assoiffés de style..
Jean-Jacques Schuhl, Obsessions, Gallimard, 160 p., 18 mars 2014.
visuel : (c) Gallimard