Fictions
« Nuit sur la neige » de Laurence Cossé : Je me souviens…

« Nuit sur la neige » de Laurence Cossé : Je me souviens…

17 August 2018 | PAR Julien Coquet

Période historique difficile, Robin entre en classe préparatoire. Subjugué par un camarade de classe, le jeune homme de dix-huit ans part avec lui à Val-d’Isère.

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A la première phrase de Nuit sur neige, on ne peut s’empêcher de penser à l’incipit du Grand Meaulnes. D’un côté, « Il se tenait un peu à l’écart, sur la réserve, amusé ». De l’autre, « Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189… ». Le dernier roman de Laurence Cossé, comme le roman d’Alain-Fournier, est un livre sur l’amitié, sur une relation qui se transforme peu à peu en admiration. Au début, le narrateur, Robin, est assez impressionné par Conrad et préfère s’en tenir loin. Les manières de Conrad, pourtant, intriguent Robin qui se rapproche du garçon mystérieux, cherchant par là un modèle car, comme il l’écrit, « peut-être aussi que j’espérais ce qu’on espère à dix-huit ans, être un autre plus tard ».

En septembre 1935, Robin vient tout juste de rentrer en classe préparatoire. Il n’a jamais connu son père, mort au combat, et vit avec sa mère à Paris. Les études lui permettent de se tenir loin d’un contexte politique mouvementé où les gouvernements de la IIIème République tombent les uns après les autres, où les ligues se battent dans les rues et où on redoute l’Allemagne hitlérienne. Pour autant, la vie continue et Conrad et Robin décident de partir faire du ski dans une toute jeune station du nom de Val-d’Isère.

Laurence Cossé a toutes les qualités pour décrire les systèmes dans lesquels évoluent les personnages. C’est tout d’abord un système politique et historique : on suit les actualités de très près grâce aux journaux, on redoute les communistes qui se rapprochent du Front Populaire et encore plus le rallongement de la durée du service militaire qui ne rappelle que trop bien le rallongement qui avait eu lieu en 1913… La classe préparatoire, tenue par des jésuites, est présentée comme un système formée, une véritable institution où l’emploi du temps est contrôlé et optimisé afin que le travail soit parfait. Enfin, et c’est aussi là peut-être le sujet principal du roman, Laurence Cossé, comme dans La Grande arche, décrit la naissance d’un lieu mythique, ici un lieu touristique. A Val-d’Isère, les villageois sont assez réticents à l’arrivée de skieurs et aux développements de pistes sur leurs champs. En parlant de ses paroissiens, l’abbé s’exclame : « Qu’on puisse monter ici en plein hiver pour le plaisir et non parce qu’on y est né leur paraît extravagant ».

A la manière d’’un Patrick Modiano, puisque l’on retrouve ici cette petite musique des années 1930 et de l’adolescence, Laurence Cossé parle aussi très bien de cette faim d’amour qui dévore Robin : « Il me faut être honnête. La grande affaire pour moi, cette année, n’était pas les élections du printemps, ce n’était pas la montée des fascismes en France et aux frontières. La grande affaire, c’était la faim d’amour, et le désir de ce visage enfin tourné vers moi qui transfigurerait ma personne et ma vie ». Amour/amitié pour Conrad mais aussi admiration et attraction physique pour cette jeune fille rencontrée à l’hôtel à Val-d’Isère. Il faudra pourtant que Conrad ouvre bien les yeux à ce jeune homme de dix-huit ans.

« Cette infortune, ce ridicule me rendait Roland Wickaert sympathique. Je redoutais moi-même d’être malheureux en amour, pis, de n’être jamais aimé et toujours regardé de haut. Je le craignais si fort, à la minute où Pol rit de bon cœur, que je compris pourquoi : je le pressentais. Et qu’on ne dise pas quand j’aurai fini ce récit que je refais l’histoire et que j’invente ce pressentiment de ce qui en quelque sorte arriva : ce fut au moment où Pol nous parla de monsieur Wickaert que je fus submergé par cette peur, restée jusque-là vague, et qui prit, comme il achevait, l’acuité d’une vraie prémonition. »

Nuit sur la neige, Laurence Cossé, Gallimard, 144 pages, 13,50 €

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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