“Lèvres de Pierre” : Nancy Houston continue de croiser les destins… avec Pol Pot et une féministe canadienne
L’auteure de Lignes de Failles livre un roman à la fois familier et déroutant en cette rentrée 2018 : Familier car elle croise – comme à son habitude- les destins, déroutant parce qu’elle compare une jeune étudiante et un monstre sanguinaire, nous enjoignant à l’empathie. A découvrir chez Actes Sud dès le 22 août.
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La première partie du livre nous enjoint à suivre la jeunesse de celui qui deviendra Pol Pot : le code d’honneur de sa famille, l’ultra-sensibilité (sisi!), les études chez les jésuites, la découverte de l’homosexualité, les années Sorbonne et l’engagement… La deuxième permet de suivre une jeune femme canadienne anorexique très littéraire, au père artiste et laxiste et qui fait les frais de 1968 en ne disant pas non : pas non à son premier amant qui la frappe, pas non à ses professeurs qui exercent un droit de cuissage légitimé par la révolution sexuelle. A Paris, elle trouver Xavière Gauthier, le féminisme et une vois pour exprimer la glace de son coeur devenu de pierre… Quelques entrefilets rappellent ce qui se passe au même moment au Vietnam et au Cambodge avec des chiffres pour signifier les morts.
Proposant d’entrer en empathie aussi bien avec Pol Pot qu’avec cette étudiante devenue dogmatique, Lèvres de Pierre fait le procès d’une époque qui se veut libre et libératrice pour en dénoncer la coulisse. Bien écrit, comm toujours, et très versé dans la psychologie, le roman retrace une époque, mais on ne peut qu’être troublé du parallèle proposé : le leader des khmer rouges et une féministe patenté auraient connu le même trauma des “lèvres de pierre” : tués à l’intérieur par leur époque à la violence plus larvée que directe, ils en seraient devenus sanguinaires, potentiellement en en passage à l’acte. Sauf que pour le cas de l’homme politique, la nature du passage à l’acte mène tout de même au meurtre de plus de 20 % de la population de son pays. Et qu’on n’a ni envie que comparaison qui la raison pour proposer de le plaindre pour une enfance malheureuse d’incompris…
Nancy Houston, Lèvres de Pierre, Actes Sud, 240 p., 19.80 euros. Sortie le 22 août 2018
visuels : couverture du livre