Fictions
Les romans de Réjean Ducharme dans la collection Quarto de Gallimard : Un météore venu du Québec

Les romans de Réjean Ducharme dans la collection Quarto de Gallimard : Un météore venu du Québec

25 January 2023 | PAR Julien Coquet

Gallimard publie, via sa collection Quarto, l’intégral des romans de l’écrivain québécois, Réjean Ducharme, en plus d’un récit, L’Hiver de force.

En 1966, alors que Réjean Ducharme n’a que 25 ans, Gallimard publie L’Avalée des avalés. C’est l’histoire de Bérénice, une adolescente qui se révolte contre la séparation de ses parents, et qui décide de se révolter plus globalement contre le monde. A cette époque, Ducharme n’a que 25 ans. Le roman, très bien accueilli par la presse et le public, des deux côtés de l’Atlantique, donne envie de connaître son auteur, qui se dérobera tout au long de sa vie. Tel Thomas Pynchon ou Salinger, Réjean Ducharme a toujours souhaité rester un auteur qui se tient loin des paillettes et de la presse. Comme il l’explique dans le dernier entretien qu’il accorde, en 1976, Ducharme se considère comme un « créateur isolé ».

Le Quarto consacré aux romans de Ducharme, publié début novembre 2022, reprend L’Avalé des avalés (1966), Le Nez qui voque (1967), L’Océantume (1968) et sa suite inédite de 67 chapitres (supprimés par l’auteur sur épreuves), La Fille de Christophe Colomb (1969), L’Hiver de force (1973), Les Enfantômes (1976), Dévadé (1990), Va savoir (1994) et Gros mots (1999). Aux textes-mêmes s’ajoutent une préface d’Elisabeth Nardout-Lafarge, spécialiste de littérature québécoise, une « Vie et œuvre illustré » par Monique Jean et Monique Bertrand, et le denier entretien de Ducharme accordé en 1976 à Lise Gauvin.

Comme l’écrit Elisabeth Nardout-Lafarge dans sa préface : « les genres différents que Ducharme a pratiqués (romans, théâtre, scénarios de films, paroles de chansons) présentent une extrême cohérence, sans doute exemplairement cristallisée dans son travail d’assemblage de rebuts et d’objets trouvés, ses « trophoux » aux titres en formes de calembours ». Car Ducharme se distingue par son travail de la langue, son attention portée aux détails, et aux mots. On ne compte pas les trouvailles, les jeux de mots, les néologismes : Ducharme tord la langue, jongle avec les mots, sans pour autant que des expressions typiquement québécoises apparaissent dans ses textes.

L’œuvre de Ducharme se caractérise également par les thèmes ressassés et explorés continuellement : l’absolu de l’amour, la liberté, l’amitié, la critique et le refus d’une société capitaliste, les îles… Réjean Ducharme est tout particulièrement considéré comme l’écrivain de l’enfance, bien que son regard ne soit pas enfantin. C’est ainsi Bérénice qui se révolte dans L’Avalé des avalés, Mile Milles détestant le monde des adultes dans Le Nez qui voque, L’Océantume où Iode Ssouvie se réfugie dans son imagination face à un monde réel complexe…

On notera enfin une influence permanente de la littérature sur les textes de Ducharme. Citant Mickey Spillane et Céline comme influences dans son dernier entretien, Ducharme cite ou fait référence à de nombreux auteurs, de Baudelaire à Rimbaud, en passant par Bossuet, Goethe, Hugo, etc. Il faut se plonger dans cette œuvre folle, où les enfants sont rois mais où la langue reste adulte.

Extrait de Le Nez qui voque :
« Si nous avons décidé de nous suicider, ce n’est pas à cause de l’argent ; nous le reconnaissons, à notre grande honte. C’est à cause des hommes que je me suicide, des rapports entre moi et les êtres humains. Chaque être humain m’affecte ; c’est l’affection : l’amitié, l’amour, la haine, l’ambition. Je suis malade d’affection. L’affection m’a rendu l’âme malade. J’ai l’âme constipée d’affection. Plus je vieillis, pire c’est. Je suis parti des Îles, car j’aurais tué tout le monde tellement tout le monde m’affectait. Plus la mère pleure, plus les sœurs et les frères s’aigrissent, plus le père perd possession de lui-même, moins on est bon à l’école, plus on se hortensesturbe ; plus on est affecté. »

Romans, Réjean DUCHARME, Edition présentée et annotée par Elisabeth Nardout-Lafarge avec la collaboration de Monique Jean et de Monique Bertrand, Gallimard, Collection Quarto, 1952 pages, 35 €

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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