Fictions
Le Lys de Brooklyn de Betty Smith, une perle rare révélée par la collection Vintage de Belfond

Le Lys de Brooklyn de Betty Smith, une perle rare révélée par la collection Vintage de Belfond

30 April 2014 | PAR Audrey Chaix

9782714457332 Ecumer les librairies de livres d’occasion et les bouquinistes, fouiller les cartons alignés le long des trottoirs pendant les braderies et autres troc et puces, à la recherche de ce livre introuvable qui a charmé notre enfance dans la maison de vacances familiale mais qui, malheureusement, n’est aujourd’hui plus édité… c’est sûrement en pensant à ces lecteurs frustrés de ne plus trouver les romans de leur jeunesse qu’ont pensé les éditions Belfond en créant la collection Vintage, qui déniche des textes oubliés pour les proposer à nouveau à la vente. Une belle initiative. 

Née en janvier 2013, la collection Vintage a sorti cette année un petit bijou de la littérature féminine américaine de la moitié du 20e siècle. Best seller outre-Atlantique, Le Lys de Brooklyn  (A Tree Grows in Brooklyn) est aujourd’hui disponible aux Etats-Unis sous toutes les formes, du livre de poche  à l’ebook, il est étudié à l’école par les petits Américains. Peu après sa sortie, les droits ont été achetés par Hollywood, et Elia Kazan en a réalisé un très joli film, à l’image du livre. En France, une traduction de Maurice Beerblock a été éditée chez Hachette en 1946, mais le livre est peu à peu tombé dans l’oubli pour le lectorat français. Jusqu’à mars dernier, où Belfond a réédité le texte sous une couverture joliment colorée pour permettre à tous de le redécouvrir avec la même fraîcheur qu’en 1946.

Car il aurait été dommage de commander une nouvelle traduction de ce petit chef d’œuvre : les tournures de phrase un peu désuètes, les imparfaits du subjonctif et le vocabulaire un peu daté de la traduction de Maurice Beerblock permettent au lecteur de se replonger avec délices dans l’univers de ce Brooklyn pauvre et déshérité du début du 20e siècle. C’est dans le quartier de Williamsburg, où règne une grande misère, que naît et grandit la petite Francie Nolan, entre un père doux et gentil, mais vraiment trop porté sur la bouteille, une mère dure et raisonnable sans qui la petite famille ne parviendrait jamais à joindre les deux bouts, et un petit frère toujours de bonne humeur. Maigrichonne mais pétrie de rêves, Francie est une véritable enfant de Brooklyn, et si l’ascenseur social se met progressivement en marche pour elle et son frère, elle restera toujours attachée à ce quartier où elle a été si misérable, et pourtant si heureuse.

Ainsi, Betty Smith brosse un portrait tout en justesse et en finesse de la population de ce quartier sans jamais sombrer dans le misérabilisme, tout en livrant de magnifiques portraits de femmes (Francie, bien sûr, femme en devenir, mais aussi Katie, sa mère, incarnation même de la bravoure et du courage, ainsi que les tantes de Francie – Sissy, l’adorable écervelée et Evy, plus douée que son mari à son propre travail) qui servent une cause féministe largement portée par Betty Smith.

Le Lys de Brooklyn est l’un de ces romans américains sur l’enfance qui, à l’image de Ne tirez pas sur l’oiseau-moqueur de Harper Lee, prennent la photographie d’une époque, la gravant ainsi de manière indélébile sur les pages de la fiction, tout en créant des personnages inoubliables que l’on voit vivre et évoluer au fur et à mesure qu’ils grandissent. Nul doute, les éditions Belfond ont ici eu une riche idée de tirer des archives un aussi charmant roman qui traite de valeurs universelles tout en recréant avec brio l’atmosphère vivante et colorée d’un quartier populaire de New York avant la Grande Guerre. A lire – ou à relire – avec délectation.

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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