Fictions
« Jusqu’au Prodige » de Fanny Wallendorf : Maître Renard

« Jusqu’au Prodige » de Fanny Wallendorf : Maître Renard

17 February 2023 | PAR Julien Coquet

Vercors, 1944. Une femme court dans les bois pour échapper au Chasseur. Servi par une belle langue, le dernier roman de Fanny Wallendorf intrigue.

Tout fait sens. Coïncidence ou ligne éditoriale extrêmement bien pensée ? Après avoir chroniqué il y a quelques jours Bois-aux-Renards d’Antoine Chainas, deux points communs avec le dernier livre de Fanny Wallendord sautent aux yeux. Tout d’abord, le motif de la traque. Là où un tueur en série poursuivait une petite fille témoin d’un meurtre chez Chainas, c’est une femme également, Thérèse, qui se retrouve à semer celui qui l’a longtemps séquestré, le Chasseur. Ensuite, deuxième point troublant : l’importance de la figure animale du renard. Est-ce depuis le Roman de Renart ou depuis que Lars von Trier a décidé de faire parler cet animal roux dans Antichrist que le renard a gagné ses lettres de noblesse ? Dans Jusqu’au Prodige, justement, ce « Prodige » est un renard, mais n’en disons pas trop.

Le court roman de Fanny Wallendorf s’ouvre par les pensées désordonnées de Thérèse, son souffle court et une tempête sous un crâne. En pleine Seconde Guerre mondiale, retenue captive depuis plusieurs années par un homme, le Chasseur, la jeune femme trouve un beau jour le courage de prendre les jambes à son coup pour rejoindre son frère Jean qui lui a donné rendez-vous au village de Valchevrière. Mais le parcours de Thérèse est semé d’embûches : si elle doit bien sûr courir le plus vite possible pour éviter que le Chasseur ne la rattrape, Thérèse doit également faire attention aux Allemands qu’elle risque de croiser, ceux-ci ayant réussi à pénétrer le Vercors. Peu après le débarquement de Normandie de juin 1944, les Allemands souhaitent en découdre avec cette poche de résistance.

Quiconque connaît l’histoire des résistants du Vercors se doute de l’issue tragique de Jusqu’au Prodige. Mais la Seconde Guerre mondiale apparaît plus comme une toile de fond, un prétexte pour faire évoluer une femme dans un milieu étrange, celui de la forêt. Tantôt hostile, tantôt protectrice, la forêt et ses animaux apparaissent tout au long de ces trois jours de cavale. Jusqu’au Prodige est aussi une dénonciation de la violence innée des hommes et de leur volonté d’asservir les femmes. Sauf que Thérèse est une femme puissante : cours, Thérèse, cours.

« La forêt se referme sur moi ; la première de mes nuits dans la montagne commence. Les stridulations des insectes, lumière sonore clémente dans tout ce noir, sont couvertes par le sifflement du vent qui avance depuis le fond du Vercors comme s’il voulait m’avaler. Je tente de calmer le tremblement de mes mains pour installer mon abri en tendant ma couverture entre les branches chahutées par la bise. Une fois allongée, l’humidité agace mes nerfs, mes yeux et mon nez coulent, et je pense à ma chambre à la ferme. »

Jusqu’au Prodige, Fanny WALLENDORF, Editions Finitude, 104 pages, 14,5 €

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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