Essais
« Œuvres » de Georges Perros : picorer et papillonner

« Œuvres » de Georges Perros : picorer et papillonner

07 December 2017 | PAR Julien Coquet

Dans ce beau volume Quarto Gallimard, la totalité de l’œuvre de Georges Perros est réunie, rassemblant, entre autres, les Papiers collés, les Poèmes bleus ou encore l’Ardoise magique.

Le principe est simple : ouvrez l’ouvrage, prenez une phrase au hasard, méditez-la, puis refermez le livre. Et recommencez le processus. Georges Perros était bien conscient d’écrire une œuvre protéiforme, sans fil narratif : « Ce que j’écris est à lire dans un train, par un voyageur qui s’ennuie, et qui trouve sur la banquette, oublié, un de mes bouquins ».

Le Quarto Gallimard ne présente pas la correspondance de l’écrivain qui avait choisi de s’installer à Douarnenez, dans le Finistère, car un seul ouvrage n’aurait pas suffi. Le volume contient par contre les trois Papiers collés, les Poèmes bleus, Une vie ordinaire, E chancrures et Huit poèmes. L’intérêt d’une telle parution, au-delà du fait de faire redécouvrir un écrivain que l’on a presque oublié, est de proposer les textes de Perros dans un ordre chronologique, ce qui a demandé un travail monstre à Thierry Gillyboeuf. Perros, avant d’être un écrivain, se présentait avant tout comme un « noteur » : un homme qui ne pouvait s’empêcher de griffonner sur des carnets, des cahiers ou de simples bouts de papier tout ce qui lui passait par la tête.

La préface de Thierry Gillyboeuf est la bienvenue pour celui qui ne connaîtrait pas l’homme derrière les Papiers collés : « On entre en « perrosserie » comme on entre en religion. Quelle que soit la nature du texte – poèmes, notes, critiques, lettres –, c’est toujours le même investissement d’une parole ouverte et offerte ». Parole ouverte, certes, mais difficilement donnée : Perros refusait de publier. Il ne s’était d’ailleurs jamais senti écrivain et préférait transmettre la littérature : son activité de critique pour la NRF, Les Cahiers du Chemin et le Nouveau Commerce le prouve.

Mais de quoi Perros parle-t-il dans ses bribes ? « Le poète n’a aucune mémoire. Mais en est une. » « Un journal intime gai est inimaginable. Quand l’homme se penche sur lui-même, sur son passé immédiat, il n’attrape que des poissons de désastres ». « On est toujours un con pour sa femme. Ou c’est une conne ». Pour résumé, lorsque Perros n’est pas déprimé (et déprimant), il parle littérature : Claudel (« Claudel n’est jamais cynique, car pour l’être il faut aimer son prochain, s’y intéresser. Il est tout simplement méprisant. »), Mallarmé (« Mallarmé est obscur comme la nature, dont la menace et l’envoûtement sont imperceptibles. »), Colette (« Il y a dans Colette un je-ne-sais-quoi de vulgaire, de « tout petit » qui m’irrite, d’autant plus que je l’admire. »), Kierkegaard, Valéry ou encore Kafka y défilent. Il faut se perdre dans ce Quarto Gallimard, lire au hasard, l’abandonner pour mieux le reprendre, et cela afin d’aimer Perros.

Œuvres, Georges Perros, Quarto Gallimard, 1600 pages, 32 euros

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Julien Coquet

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