La Grande Défaite 1870-1871, Alain Gouttman

Spécialiste du Second Empire, Alain Gouttman, publie une histoire de la défaite de 1870.

LES IMAGES DE LA DÉFAITE DE 1870 SONT NOMBREUSES

Si les images de la guerre de 1870-1871 sont nombreuses et connues :
Napoléon III à Sedan
Les images de la Commune
Sa réalité et ses enjeux demeurent méconnus, pourtant les conséquences du premier conflit franco allemand de l’ère moderne sur l’Europe sont immenses, comme la perte pour la France de L’alsace Lorraine, qu’elle n’aura de cesse de réclamer.
« Les mots, pendant quarante-quatre ans, n’ont cessé de tomber sur notre cœur comme des pelletées de terre sur une tombe ».
Paul Deschanel
Cette phrase relative aux députés de l’Alsace Lorraine, quittant l’Assemblée Nationale aura marqué les esprits.
LA CHUTE DE L’EMPIRE AUSTRO HONGROIS AURA UNE PROFONDE INFLUENCE
La défaite de l’Autriche à Sadowa, face à la Prusse de Bismarck, le 3 juillet 1866 aura une influence considérable.
La non-réaction de Napoléon III, lui sera fortement reprochée.

LE POUVOIR EN ÉTAT DE SIÈGE
Il y avait une lutte sourde entre la gauche, et la bourgeoisie.
Dès lors chaque épisode de la guerre franco allemande, qui allait éclater se trouverait placé sous le signe de la guerre civile.
Un futur député (assemblée du 8 février 1871) n’hésitait pas à dire » j’entrevois un temps au milieu de nos tristesses où, tout compte fait, croyez-moi, nous la bénirons » (la défaite de 1870).
On croirait lire sous la plume de Drieu ou d’un Lucien Rebatet, un article de cette presse collaborationniste qui encensait l’année 1940, parce que, parmi les » décombres » qu’elle avait accumulés, on comptait au moins la chute de la Troisième République, et la voie ouverte à Pétain.

LE DUEL DES DEUX FRANCE
L’auteur trace un parallèle entre l’homme du 18 juin et Gambetta.
Gambetta a réussi à faire sortir des armées du sol rien qu’en le frappant du pied.
L’auteur fait allusion à un vers de Schiller
« Attend – on de moi que je fasse sortir des armées du sol rien qu’en le frappant du pied ? »
Charles de Gaulle a pu créer une France en Dehors de France, mais Gambetta lui a eu à lutter contre un ennemi déjà introduit à l’intérieur de sa prison.

L’auteur tire comme conclusion, et c’est profondément novateur : après avoir corrompu les institutions, les partis et jusqu’à l’esprit national, la déchirure de la société française aura exercé sur la conduite de la guerre une influence délétère qu’il faut considérer comme la première cause des désastres qui menèrent droit « à la grande défaite «, mère de la débâcle de 1940.
Comme l’a dit Charles de Gaulle, lors d’une conférence à l’École de guerre en 1921, il manquait » l’irrésistible mouvement national qui a déjà sauvé la France, tant de fois dans son histoire » (Bouvines et Philippe Auguste, Jeanne d’Arc à Orléans, Villars à Denain), et « multiplie les courages ».

La défaite de 1870 aura marqué, profondément notre histoire, et l’auteur réussit, en la présentant sous ses différents aspects, politiques, moraux, militaires, économiques, à nous permettre d’en appréhender l’influence.
Comme il le rappelle, « histoire et mémoire », ne font pas toujours bon ménage, en évoquant la Commune de Paris.
Pour certains c’était une tragédie romantique, et pour d’autres un cocktail du vice et de la violence.
L’ouvrage est très complet, et très documenté, les auteurs habituels comme Maurice Agulhon entre autres sont cités.
Il comporte des développements intéressants sur la notion de guerre civile.

La Grande Défaite 1870-1871, Alain Gouttman, Éditions Perrin, janvier 2015, 24,90 euros, 412 p