Ian Hamel, Les Bettencourt. Derniers secrets
Journaliste d’investigation suisse, correspondant du « Point » et de « L’Agefi », le quotidien de la finance à Lausanne, Ian Hamel vient de publier un ouvrage sur les derniers secrets de l’affaire Bettencourt, récemment paru aux éditions de L’Archipel.
LE PASSE SULFUREUX
Ingénieur de formation, Eugène Schuller était le fondateur du groupe L’Oréal ainsi qu’un pronazi avoué. Il avait des idées très arrêtées : par exemple, selon lui, la femme devait servir les hommes et rester au foyer.
Toutefois, il avait indéniablement le sens des affaires. Il sentit avant tout le monde qu’il existait, en France, un créneau porteur : l’hygiène corporelle. Il lança donc « Mon savon au lait » et il inventa aussi « le lait pour se protéger du soleil ».
MICMAC AVEC L’INDUSTRIE ALLEMANDE
Eugène Schuller fit partie de la cagoule, appelée aussi « Osar », qui était un mouvement d’extrême droite. Certains des membres de la cagoule se retrouvèrent à Vichy, puis chez L’Oréal après la guerre (p. 49). Pendant la Seconde Guerre mondiale, la peinture Valentine, qui était l’une des filiales de L’Oréal, développa un partenariat avec l’entreprise allemande Druckfarben (p. 92). De plus, il vendit des savons à l’armée allemande.
Sous l’Occupation, le gendre d’Eugène Schuller, André Bettencourt, fut quant à lui journaliste pour une publication ouvertement pétainiste et collaborationniste appelée « La terre française » (p. 149).
LA RÉSISTANCE
A la Libération, A. Bettencourt s’inventa un glorieux, mais fallacieux passé de Résistant. Il fit faire le ménage dans les archives, avec la complaisance d’un certain… François Mitterrand. Il prétendit avoir occupé une fonction auprès du Conseil national de la Résistance, lequel n’existait pas en Suisse. Malgré ses mensonges, il fut décoré par les autorités politiques du pays.
DISTRIBUTEUR DE BILLETS
Dit « Dédé », André Bettencourt était un homme affable, d’une politesse exquise, qui déclenchait souvent dans sa Normandie d’interminables concerts de louanges. Ainsi que l’explique Ian Hamel, ses amitiés allaient de François Mitterrand à Georges Pompidou, en passant par Jean Lecanuet. Ses seuls ennemis étaient les membres du parti communiste.
« Dédé » débuta sa carrière politique comme secrétaire d’Etat de Pierre Mendès-France. Il fut un homme politique transparent, sans conviction politique affirmée. Son parcours politique fut pour le moins terne.
Singulièrement généreux, André Bettencourt distribuait des subsides à toutes les écuries politiques de l’époque, sauf bien entendu au parti communiste. En échange, L’Oréal ne fit jamais l’objet d’un contrôle fiscal (p. 190), alors qu’en principe, dans ce genre de situation, un contrôle est effectué tous les trois ans. L’auteur note, cependant, qu’il ne s’entendit jamais avec Valéry Giscard d’Estaing.
Le journaliste suisse Ian Hamel publie une enquête très fouillée sur la saga Bettencourt et L’Oréal. Tout est passé au crible, notamment le trouble passé d’André Bettencourt. Les développements de l’auteur sur les liens entre le capitaine d’industrie et la cagoule sont extrêmement intéressants. L’auteur insiste sur la carrière d’un homme politique sans envergure. Très documenté, l’ouvrage est très objectif. Il n’y a aucune hostilité de principe chez le journaliste, lequel relate simplement des faits qui permettent au lecteur de se faire une opinion, comme il sied à tout bon livre.
Ian Hamel, “Les Bettencourt. Derniers secrets”, éditions de L’Archipel, mai 2013, p. 299, 18,95 euros.
