Essais
En Amazonie: Jean-Baptiste Malet dans les coulisses du mastodonte Amazon

En Amazonie: Jean-Baptiste Malet dans les coulisses du mastodonte Amazon

23 June 2013 | PAR Jean-Paul Fourmont

Journaliste pour la revue « Golias », Jean-Baptiste Malet vient de publier une enquête sur Amazon, dernièrement parue chez Fayard.

Jean-Baptiste Malet, En Amazonie. Infiltré dans le « meilleur des mondes »INFILTRATION CHEZ AMAZON
Pour la première fois en France, un journaliste a infiltré Amazon comme intérimaire. Ce faisant, il a travaillé dans un entrepôt logistique du géant du commerce en ligne. Il a intégré l’équipe de nuit et appris « la novlangue », c’est-à-dire un langage convenu et rigide visant à dénaturer la réalité, comme dans le roman 1984 d’Orwell.

Il a été « pickeur », chargé d’extraire de leurs « bins » (cellules) des milliers de produits culturels amassés sur des kilomètres de rayonnages. Autant de marchandises qu’il a envoyées se faire emballer à la chaîne par un « packeur » assigné à cette tâche.

Chaque nuit, le pickeur parcourt plus de 25 km. Il doit essayer de battre le record de produits emballés la nuit précédente, et ceci sous la stricte surveillance des contremaîtres ou « leads ». Tout est contrôlé et minuté pour obtenir la meilleure cadence possible. En permanence, c’est la course effrénée à la productivité.

LA VIE CHEZ AMAZON
Du patron au bas de l’échelle, tout le monde se tutoie et la délation sympathique est bien vue. Les CDI ont des polaires grises, ce que n’ont pas les intérimaires, et les managers ont quant à eux une veste d’une couleur différente.

Les anciens militaires sont particulièrement appréciés pour remplir la mission de « leader ». Il y a des quotas de productivité à respecter et, plusieurs fois au cours de la nuit, le manager fait le point sur la « prod » (production à réaliser).

Des tombolas sont régulièrement organisées pour le personnel. A l’occasion de la fête de la musique, des groupes sont venus jouer et la direction a offert le casse-croute. Pour Pâques, une chasse à l’œuf est organisée. Chaque salarié a reçu une cocotte en chocolat.

Ce livre évoque Le meilleur des mondes, le fameux roman d’Aldous Huxley. Il est évident que les conditions de travail sont très difficiles et qu’il y a beaucoup d’intérimaires par rapport au nombre total de salariés. Cette situation ne peut qu’encourager une certaine exploitation et tendre, comme dans le roman d’Aldous Huxley, à une certaine démotivation parmi les intérimaires.

LA VAMPIRISATION DES LIBRAIRIES INDEPENDANTES
Il manque peut-être à cet ouvrage une analyse un petit peu plus poussée des techniques de manipulation et de soumission utilisées par les managers d’Amazon. Ce système comporte de nombreux effets pervers, alors qu’il est subventionné par les collectivités locales et l’Etat. Un tel système, qui encourage la prolétarisation et le recours au travail précaire, doit-il être à ce point encouragé ?

Est-ce que cela ne va pas non plus contre les librairies traditionnelles par exemple ? Ce système n’est viable que sous certaines conditions. C’est pour cela qu’il existe une telle pression sur les travailleurs, comme chez Mac Donald’s. Mais n’est-ce pas sacrifier le long terme au très court terme ? Comment fera-t-on quand il n’y aura plus le conseil de la petite librairie de quartier ?

Jean-Baptiste Malet, « En Amazonie. Infiltré dans le ‘meilleur des mondes’ », Fayard, mai 2013, 156 p., 15 euros.

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Jean-Paul Fourmont
Jean-Paul Fourmont est avocat (DEA de droit des affaires). Il se passionne pour la culture, les livres, les gens et l'humanité. Contact : [email protected]

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