Essais
[Chronique] Oui, mais non, Claude Habib, « Le goût de la vie commune »

[Chronique] Oui, mais non, Claude Habib, « Le goût de la vie commune »

10 March 2014 | PAR La Rédaction

Quel curieux livre ! Faire l’éloge du couple en 2014 est audacieux, car cela va à rebours de l’individualisme tant dénoncé aujourd’hui. Pour autant, notre lecture ne nous a pas convaincus.

9782081332720FS

Le livre s’ouvre sur une conversation entre l’auteur et l’une de ses amies. Celle-ci vient de quitter sa compagne, au motif qu’elle s’ennuyait. « Comment font les autres couples ? Ils doivent s’ennuyer, non ? Ils ne s’ennuient pas ? ». A ces questions, Claude Habib a répondu – lâchement selon elle – par un « ça dépend ». L’essai se propose de réparer cette réponse « peu glorieuse », et de montrer la supériorité du couple.
En réfléchissant à ses choix, et contrairement à ce qu’elle écrit, Claude Habib cherche à les imposer en assénant des assertions. Ainsi, on apprend que « la différence des sexes importe dans la formation d’un couple » (p.86), ce qui tombe bien puisque c’est son cas semble-t-il, et ce qui fait écho au credo de l’altérité très présent en 2013 dont on aimerait savoir d’où il sort. On apprend aussi « le désarroi des célibataires à l’approche des vacances » (p.93). On passera sur les notations énervantes concernant le couple homosexuel ou l’essentialisation de la maternité – mais il est vrai que Claude Habib a commis un article particulièrement absurde intitulé « l’adoption par des couples homosexuels », dans la revue Commentaire n°107, automne 2004 (voir plus particulièrement les p775-776).
Claude Habib est une femme intelligente, les citations sont nombreuses, et Rousseau comme Constant ou Montaigne sont des compagnons que l’on a plaisir à interroger. L’auteur sait en outre ne pas être totalement dupe de son propos. Le livre semble construit pour répondre à un certain féminisme qui fait de l’autosuffisance l’arme contre la phallocratie. La position qu’elle dénonce est certes idiote, mais son plaidoyer ne convainc pas davantage. D’abord, l’auteur nous dit n’avoir vécu seule que trois ans, d’où elle tire cette conclusion : « même si j’ai pu feindre la satisfaction d’être libre, je n’ai jamais ressenti aucune fierté à vivre seule – je n’ai pas éprouvé de pride, ce mot planétaire jeté comme un brillant glacis sur les hontes du passé » (p.74-75). Bien, mais pourquoi penser que le célibat est forcément une source de fierté ? Pourquoi passer son temps à essayer de placer un état au dessus d’un autre ? Que le féminisme contemporain s’égare, c’est sans doute vrai. Que le célibat puisse être mal vécu, qui le nie ? Que le couple puisse être source d’épanouissement, certes. Mais cessons d’en tirer des lois générales. Admettons que les hommes vivent comme ils peuvent, et remettons à l’ordre du jour l’injonction biblique : ne jugez pas (Luc, 6, 37) !

Claude Habib, le goût de la vie commune, Flammarion, 176p

Mathieu Orsi

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La Rédaction

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