Fictions
Dans «La petite fille», Bernhard Schlink prône la tendresse et la bienveillance… malgré tout.

Dans «La petite fille», Bernhard Schlink prône la tendresse et la bienveillance… malgré tout.

12 April 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

Après la révélation du secret de Birgit, Bernhard Schlink relate la rencontre entre Kaspar et sa petite fille. À travers cette histoire familiale tourmentée, il aborde les relations entre les deux Allemagnes avant et après la réunification.

Le secret de Birgit

« Malheur à ce que l’on cache, malheur à ce que l’on tait ». Kaspar n’apprendra le secret de sa femme Birgit qu’après son décès brutal. Avant son départ de RDA, elle a accouché secrètement d’une petite fille et l’a abandonnée. Son mari retrouve la confession posthume de Birgit. Le lecteur découvre leur rencontre en 1964 à l’université de Berlin-Est puis la fuite de Birgit vers l’ouest. Ensembles, ils seront libraires. Birgit ne parlera jamais de sa fille et n’osera pas entamer des recherches. Ce que va faire Kaspar, peu après la mort de son épouse. Il la retrouve dans une maison banale, « dans une rue vide et silencieuse » de l’ex-RDA. Elle s’appelle Svenga, sa jeunesse a été chaotique. Avec son mari, elle fait partie d’une communauté «Völkisch» d’extrême droite. Leur fille Sigrun a 14 ans, elle reconnaît en Kaspar son grand-père et le rejoint à Berlin pour les vacances. Elle se passionne pour la musique et le piano. Mais elle reste imprégnée par l’idéologie de ses parents et fascinée par le nazisme. Malgré tout, une tendresse s’installe entre eux. Kaspar veut être « le meilleur grand-père » pour Sigrun. Pour contourner le mur idéologique de l’extrême droite, il essaye de faire vivre à Sigrun un autre monde que celui de ses parents. Il le fait avec tact, délicatesse, attention, bienveillance. Pourra-t-elle s’en extraire??

Les failles de la réunification allemande

Ce livre est l’histoire du secret de Birgit, un secret ravageur et destructeur. Il raconte aussi deux belles rencontres. La rencontre amoureuse entre Birgit et Kaspar est aussi celle des deux Allemagnes, par delà le mur, malgré le fossé idéologique. La rencontre de Kaspar avec sa petite fille est tout aussi émouvante, mais montre les failles persistantes entre les nouveaux Länder et le reste de l’Allemagne. À travers le personnage complexe de Birgit, l’auteur parle des espoirs et désillusions de la jeunesse de RDA, de son besoin d’ailleurs, de sa sensation d’enfermement. Il évoque les foyers de redressement très carcéraux de la RDA où a séjourné Svenga mais aussi le désarroi d’une jeunesse privée d’avenir après la réunification. Vingt ans après, le malaise persiste : les Allemands qui viennent de l’Est cachent leur origine et gardent un rapport ambigu avec leur passé. Birgit ne s’est jamais senti totalement chez elle à l’ouest, la RDA la rendait triste, mais sa disparition également. La deuxième partie du livre est une immersion dans l’extrême droite allemande. La montagne de ressentiments et de préjugés qui habite Sigrun est oppressante. Mais la beauté du roman réside avant tout dans la tendre relation qui se tisse peu à peu entre Sigrun et son grand-père. Une relation très touchante pour le lecteur.

Bernhard Schlink, La petite-fille, Gallimard, 352 pages, 23 Euros, sortie le 9 février 2023

Visuel :© Gallimard, couverture du livre.

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Jean-Marie Chamouard

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