“Criminels” par Philippe Di Falco et Yves Stravidès, un voyage au bout de l’enfer.
Les éditions Perrin et Sonatine, pour la première fois en coédition, nous offrent un ouvrage atypique et passionnant, une galerie de portraits bien éloignée de l’enchainement de rois et de reines des manuels scolaires. Depuis que Cain a trucidé Abel, l’humanité a accouché d’une ribambelle d’assassins aussi féroces qu’hétéroclites. Non seulement leurs crimes s’inscrivent dans l’histoire, mais ils ont carrément modifié son cours, sur le plan politique, militaire, juridique ou social. Autant dire que les auteurs de ces méfaits se devaient de figurer dans n’importe quel manuel ou autre grand livre d’or du bestiaire humain.
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Les criminels qui hantent les pages de ce livre ne sont pas des monstres. Car le “Monstre” n’existe pas. Certains d’entre eux ne feraient pas de mal à une mouche, même s’ils n’ont rien contre l’idée de truffer de plomb les puissants de ce monde. D’autres ont des parents, un(e) conjoint(e) ou des enfants qu’ils adorent. Cela ne les empêche nullement d’être sans pitié envers leurs victimes. Ils sont tout simplement humains, effrayants et attachants. Chacun de leurs méfaits s’inscrit dans une tranche d’histoire, mêlant le polar au roman historique. On connaît les cas les plus rebattus – l’archiduc François-Ferdinand, Reinhard Heydrich, John Fitzgerald Kennedy… Le journaliste Philippe Di Folco et l’ancienne plume de L’Express Yves Stavridès ont décidé de faire resurgir du passé les cas les moins célèbres pour composer une galerie de portraits saisissante qui court du XVIe siècle à aujourd’hui, mêlant les amateurs aux professionnels du crime. Notre préférée: Germaine Berton.
Germaine Berton naquit en 1902 dans une famille modeste d’un milieu ouvrier. Son père ne mâche pas ses mots dès qu’il s’agit de politique, ce qui plaît à Germaine. Elle n’a qu’une dizaine d’années quand elle découvre le plaisir de dévorer des livres. Elle se forge ainsi sa propre base culturelle. Arrive l’assassinat de Jaurès, la première guerre mondiale. Dès cette époque, Germaine la pacifiste réalise l’acharnement de Maurras et, surtout, de Léon Daudet à pourrir le climat politique français. Après guerre, si elle est tentée par le communisme, c’est du côté de l’anarchie qu’elle trouve sa place. Si Clémenceau ne vaut guère mieux que Daudet à ses yeux, elle reste obsédée par ce dernier. Germaine tombe alors amoureuse du jeune Philippe Daudet, qui fuit son milieu familial oppressant. Mais il lui est impossible d’approcher Léon Daudet, c’est donc Marius Plateau, secrétaire général de l’Action Française, que Germaine décide d’abattre…
“Criminels” par Philippe Di Falco et Yves Stravidès, Coédition Sonatine/Perrin, novembre 2014.