Fictions
“Chien 51” : un monde aux abois

“Chien 51” : un monde aux abois

18 August 2022 | PAR Marianne Fougere

Avec son nouveau roman, Laurent Gaudé s’essaie à la dystopie. Une merveille du genre !

 

Le nouveau roman de Laurent Gaudé s’ouvre en Grèce. Jusqu’ici rien d’étonnant quand on connaît la fascination pour les mythes de l’auteur de La Mort du roi Tsongor. On n’est pas plus surpris quand on découvre un pays au bord de la faillite. Après tout, l’écrivain n’a jamais caché sa veine sociale. Mais, se rendre compte, quelques pages plus loin, qu’il s’agit en réalité d’une dystopie, a de quoi vous en boucher un coin !

La Grèce d’Homère est donc bien loin. Et que dire de celle de Zem Sparak qui vient d’être vendue au plus offrant. Le peuple a eu beau s’insurger, rien n’a pu étancher la soif de multinationales, chantres d’un post-capitalisme carnassier. Et, dans la confusion de la répression brutale, Zem, pourtant militant de la liberté, a trahi et dû fuir, rejoignant ainsi la mégalopole du futur créée et régie par GoldTex. Il opère désormais en tant que “chien” – comprenez “flic” – dans la zone 3, celle où sont entassés les rebuts de la société. Bon chien, il navigue dans la ville comme anesthésié, passe d’une enquête à l’autre sans demander son reste. “N’être [en somme] plus rien qu’un corps qui travaille”. Jusqu’à ce qu’une enquête le verrouille à une inspectrice de la zone 2 et rappelle les ruines du passé à son bon souvenir…

Chien 51 est un livre sombre, noir, mais à la lecture on ressent le plaisir qu’a dû prendre son auteur à l’écrire. Les pages se tournent vite, la langue est fluide et précise, la construction en forme d’aller-retour entre passé et présent, mémoire et futur (le nôtre ?) fascine. Mais surtout, avec ce thriller d’anticipation, Laurent Gaudé conserve l’une des valeurs cardinales des mythes et autres fables : la transmission et, avec elle, la possibilité d’une passation à un autre monde.

 

Laurent Gaudé, Chien 51, Paris, Actes Sud, sortie le 17 août 2022, 304 p., 22 euros.

Visuel : couverture du livre

 

 

 

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Marianne Fougere

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