“Big daddy” de Chahdortt Djavann, violence sociale, incarcération et amour fusionnel.
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Chahdortt Djavann se dit française et dit être ‘née révoltée’. Née révoltée car elle est née femme dans un pays où les femmes n’ont pas le droit d’exister. Elle grandit à Téhéran où elle vit avec sa mère et ses quatre frères et sœurs aînés. Son père, Pacha Khan, est emprisonné par le shah, après la révolution de 1979. Enfant déjà, Chahdortt n’avait pas sa langue dans sa poche, et malgré un régime terrifiant, elle a une conscience aiguë de la liberté. Véritable garçon manqué, elle dérange. Très jeune, c’est l’exil : après être passée par Istanbul, elle atterrit à Paris en 1993. Ne parlant pas français, elle a connu des conditions de vie difficile, enchaînant les jobs précaires avant de rentrer à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, où elle étudie l’anthropologie. En 2002, elle publie son premier roman, Je viens d’ailleurs et raconte, dans la langue de Voltaire, comment elle a gardé la tête haute. Un an plus tard, Bas les voiles ! pamphlet s’élevant contre le port du voile, ici et ailleurs, lui vaut une notoriété subite, accompagnée de quelques coups de fils anonymes. Elle continue d’écrire. Que pense Allah de l’Europe ? et Autoportrait de l’autre sont publiés en 2004, Comment peut-on être français ? en 2006 ; en 2007 elle s’exprime à nouveau dans À mon corps défendant, l’Occident, suivi de La Muette en 2008, Ne négociez pas avec le régime iranien en 2009 puis Je ne suis pas celle que je suis en 2011. En 2013, elle publie La dernière séance. Big Daddy, son nouveau roman édité chez Grasset, renoue avec ses thèmes de prédilection, déjà abordés dans La muette : la violence sociale, l’incarcération et l’amour fusionnel.
Un gamin des rues, Rody, 13 ans, est condamné à perpétuité pour un triple meurtre dans un trou perdu de l’Amérique profonde. Lors de ses tête-à-tête dominicaux avec Nikki, l’avocate commise d’office, Rody lui raconte son intimité avec Big Daddy, grand pervers criminel qui avait fait de lui son « fiston » et l’initie à ses magouilles, aux armes, aux filles et à son hobby, torturer obèses et prostituées. Rody supporte de moins en moins jusqu’au triple coup de feu. «Rody’s case», l’affaire Roddy, est médiatisée et devient un enjeu de la campagne politique du gouverneur.
Trois voix, Rody, Nikki et Markus, l’ancien flic devenu photographe, trois histoires qui tendent cette intrigue pour composer un suspense psychologique efficace et surprenant où chaque chapitre recèle une surprise, un retournement ou un coup de théâtre. Ce roman politique et social mêle l’intime au roman noir, l’histoire personnelle aux faits de société, et la recherche des origines à une Amérique cauchemardesque.
Chahdortt Djavann, Big Daddy, Grasset, février 2015, 300 pages, 18 €
