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« Génériques. La vraie histoire des films » de Philippe Garnier : politique des scénaristes

« Génériques. La vraie histoire des films » de Philippe Garnier : politique des scénaristes

25 April 2023 | PAR Julien Coquet

En trois tomes chronologiques, l’ancien correspondant pour Libération revient sur la genèse de certains films. Un travail remarquable avec ici l’exemple du tome 3, consacré aux années 1962-1977.

Une nouvelle forme d’approche de l’histoire se développe depuis quelques temps. On l’a vu avec le passionnant The Big Goodbye. Chinatown et les dernières années d’Hollywood de Sam Wasson qui scrutait minutieusement toute l’histoire (écriture du scénario, tournage, post-production…) du Chinatown de Roman Polanski. Loin d’une analyse détaillée ou d’une approche critique d’un film comme vous pouvez en lire dans Les Cahiers du cinéma, ce nouveau genre d’approche cherche à « raconter, de la façon la plus détaillée possible, la genèse de certains films et, ce faisant, attirer l’attention sur ces sables mouvants que sont les génériques pour les amoureux du cinéma – parfois exacts, plus souvent trompeurs, difficilement interprétables ». Afin de livrer le travail le plus exact possible, Philippe Garnier s’appuie ici sur des interviews, des press books (matériel promotionnel destiné aux exploitants de salles), des photos de tournage, etc. Résidant à Los Angeles depuis plus de quarante ans, Philippe Garnier s’est fait un sacré réseau et a pu interviewer Paul Schrader (scénariste de, entre autres, Taxi Driver), Richard C. Sarafian (réalisateur de The Man Who Loved Cat Dancing), Heywood Gould (scénariste de Rolling Thunder), Lawrence Gordon (producteur de Rolling Thunder)…

Dans ce troisième tome consacré aux années 1962-1977, Philippe Garnier s’intéresse à Walk On The Wild Side, Petulia, Elmer Gantry, In Cold Blood, Charley Varrick, The Seven-Ups, Man In The Wilderness, The Man Who Loved Cat Dancing, Vanishing Point, The Outfit et Rolling Thunder. La lecture de l’ouvrage, pour qui n’aurait pas vu les films, pourra être parfois laborieuse. Et pourtant, et pourtant, force est de constater que la plume de Philippe Garnier passionne, grâce à un style proche de l’oralité, comme s’il nous racontait une histoire. L’auteur de ces lignes n’ayant pas vu tous les films, il a finalement été transporté tout au long des années 1960 et 1970. On glanera ici que le générique de Walk On The Wild Side réalisé par Saul Bass est peut-être l’un des plus beaux génériques de l’histoire du cinéma. Ou encore là que le réalisateur Don Siegel « a beau nous la jouer modeste avec son ‘style caméléon’, il avait un ego suffisant pour se mesure à Hitchcock ».

Philippe Garnier en profite pour nous donner une vraie leçon de cinéma sur les courses-poursuites, comparant celles de Bullitt, The French Connection et The Seven-Ups. Il nous donne envie également de nous plonger dans des films rares, tel Petulia de Richard Lester, « un film miraculé, enflé de l’air du temps ». L’auteur rend aussi toutes leurs lettres de noblesse aux scénaristes, bien souvent relégués au statut de conteur d’histoire, derrière le réalisateur voire le chef-opérateur. Génériques montre l’importance de ces inventeurs d’histoire qui se basent parfois sur des livres préexistants (In Cold Blood de Richard Brooks d’après Truman Capote), échangent constamment avec les studios pour imposer certaines scènes, quittent leurs projets qui se voient réécrits, etc. La vraie histoire de ces films, certes, mais quelle histoire !

A propos de The Seven-Ups (Philip D’Antoni, 1973) :
« Pour cette fameuse poursuite, D’Antoni approfondit les recettes qui l’ont si bien servi sur ses autres films. Toute la scène de la rue avec les enfants qui jouent devant l’école, c’est la leçon de French Connection : peu importe les crissements de pneus ou les embardées de bagnoles ou la tôle emboutie, on s’en fichera s’il y manque l’élément humain. En fait, on trouve une scène étrangement similaire dans Robbery, le dernier film anglais que Peter Yates a fait avant Bullitt : une Jaguar gris métallisé terrorise deux douzaines d’écoliers et une institutrice, qui reconnaît plus tard le chauffeur dans une line up de police et le gifle. Non seulement il faut des rues peuplées (l’impression de danger est toute autre qu’avec les films à effets spéciaux d’aujourd’hui) mais il faut aussi qu’on se fasse du mouron pour les occupants d’au moins une voiture. Là, certains critiques américains ont argué que la chasse arrivait trop tôt pour qu’on s’en fasse pour les protagonistes. Ce qui n’enlève rien à l’efficacité technique de la poursuite. »

Génériques. La vraie histoire des films, tome 1 (1940-1949), tome 2 (1950-1959) et tome 3 (1962-1977), Philippe GARNIER, Editions The Jokers, 20 € par tome.

Visuel : © Couverture du Tome 3

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