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“Vents contraires” de Jean-René Lemoine à la MC 93 : un choc !

“Vents contraires” de Jean-René Lemoine à la MC 93 : un choc !

16 November 2019 | PAR Julia Wahl

Des cris, du sexe, de la drogue : Jean-René Lemoine nous livre à la MC 93 sa nouvelle pièce, avec Nathalie Richard et Anne Alvaro. Un texte magnifique, une mise en scène brillante.

Cinq femmes et un homme : on pourrait croire que Jean-René Lemoine renonce au genre du monologue. Il n’en est rien. A l’exception de deux tableaux, les acteurs ne sont présents que deux à deux et ces face-à-face sont surtout l’occasion pour chacun d’eux d’emporter le spectateur dans de longues tirades aux allures de monologues. 

Des personnages qui peinent à trouver leur place dans le monde, malgré une réussite sociale apparente : des études à HEC, une thèse sur Levinas, un héritage qui tombe du ciel… Mais la misère qui s’étale, sans pudeur, à la télévision et dans les rues de Paris, et la difficulté à donner un sens au monde, rendent vains ces signes extérieurs de succès. Alors, nos six personnages dansent, font l’amour, se droguent et se séparent. Et crient leur rage dans la langue magistrale de Jean-René Lemoine.

L’un de ces cris, notamment, nous capte : celui du personnage de Camille, joué par Marie-Laure Crochant, dont le basculement dans la folie, laisse le spectateur sous le choc. Le jeu subtile d’Anne Alvaro, également, parfois pathétique, parfois ridicule, happe le public. Car les monologues douloureux aux accents tchékhoviens n’empêchent pas l’humour, comme ces allusions à “la baguette de la boulangerie du Boulevard de l’Hôpital”, qui revient comme un gimmick tout au long de la pièce. Des procédés comiques toutefois empreints de gravité, puisque ce retour sempiternel de la même expression est à l’image de la vie routinière des personnages.

Cet ancrage dans la réalité contemporaine repose également sur la place accordée à la chanson populaire : le titre même de la pièce, Vents contraires, est en effet une citation de la chanson “Désenchantée” de Mylène Farmer, que l’on redécouvre ici grâce à son interprétation douce et simple, sans orchestration, par nos personnages.

Enfin, la scénographie de Christophe Ouvrard, avec ses miroirs coulissants, et les lumières de Dominique Bruguière accompagnent ce monde à la fois familier et inquiétant grâce à des formes géométriques nettes et une épure qui donnent à cette représentation de la vacuité une beauté formelle véritable.

Crédits photos : © Jean-Louis Fernandez

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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