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Au pays des kangourous, de Gilles Paris : Un anticyclone sur la dépression.

Au pays des kangourous, de Gilles Paris : Un anticyclone sur la dépression.

21 February 2012 | PAR La Rédaction

Simon est un petit garçon de neuf ans terriblement attachant. Fils unique, il est le complice de toujours de son papa, écrivain, plus exactement nègre de profession. Sa maman, Carole, femme très ambitieuse, a décroché un poste à hautes responsabilités en Australie. Elle s’y rend donc fréquemment pour des missions. Une mère souvent absente, y compris quand elle est physiquement présente, faute de savoir montrer son amour à son fils. Faute de lui faire sentir qu’il existe dans son regard autrement que par la transparence.

« Je vois si peu maman. Elle fait à peine attention à moi. Jamais de caresse sur la tête comme papa. Elle m’embrasse toujours sur ses doigts. (…) Un baiser sur ses doigts et elle souffle dessus pour qu’il s’envole vers moi. Mais le vent est toujours mauvais avec maman, et son baiser disparaît avant de m’atteindre. » D’où cette proximité d’autant plus grande avec Paul, son papa. Jusqu’à ce matin où Simon le retrouve dans le lave-vaisselle. « En entrant dans la cuisine, j’ai vu le panier en plastique sur le sol, avec le reste de la vaisselle d’hier soir. J’ai ouvert le lave-vaisselle, papa était dedans. (…) il était tout coincé de partout. Et je ne sais pas comment il a pu rentrer dedans : il est grand mon papa. »

Paul est alors hospitalisé. Carole absente, c’est Lola, la grand-mère maternelle un peu excentrique et très aimante qui prend Simon délicatement sous son aile.
Et les interrogations de submerger l’enfant. De quoi souffre son père? Pourquoi ce regard éteint et effrayé ? Pourquoi cette fatigue intense? Pourquoi ces médicaments ? Pourquoi l’hôpital? Et la chambre de son papa dont on lui interdit l’accès, que cache t-elle ? Des questions obsédantes auxquelles les grands n’apportent pas de réponse. Ou tout du moins pas de vraie réponse. Par désir de protéger Simon. Parce que la dépression dont son père souffre est une maladie difficile à comprendre pour les adultes eux-mêmes, une maladie qui fait peur, qui dérange, comme si l’angoisse et le désespoir perçus dans le regard du malade risquaient d’être contagieux, non seulement en le croisant, mais même simplement en l’évoquant.
La dépression, sa mère, le monde des adultes, tout ce qui lui est lointain, physiquement ou par la compréhension, relève pour lui du pays des kangourous : un autre monde. Un monde dans lequel Simon veut entrer, qu’il veut comprendre. Et c’est Lily, une fille mystérieuse à l’air grave, au beau regard violet et à la voix douce qu’il croise dans les différents hôpitaux fréquentés par son père, qui lui ouvrira la porte sur ce monde de la dépression avec un parler vrai, accessible, sans faux-fuyants. La dépression, cet autre qui entre en soi, ce poison qui teinte tout de noir, qui garde éveillé jour et nuit et coupe des autres.
La dépression, cette maladie du mal à dire. Ces bleus à l’âme dont on ne voit pas les ecchymoses.
C’est avec un regard plein de fraîcheur, de poésie, de douceur, celui d’un enfant de 9 ans, que Gilles Paris nous emmène dans ce bouleversant voyage : celui de la compréhension de cette pathologie . Un roman plein d’amour, de tendresse, d’humour. Une véritable ode à la tolérance sur ce mal de vivre trop souvent considéré à tort comme un simple laisser-aller, quand il s’agit en réalité d’une vraie maladie.
Poignant, magnifique, rédigé d’une plume à la sensibilité aussi vibrante que belle, ce roman de Gilles Paris est un anticyclone sur la dépression. A lire absolument !

Karine Flejo

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