Animaux solitaires de Bruce Holbert, le western noir et sanglant de la rentrée littéraire…
Comté de l’Okanogan, État de Washington, 1932, Russel Strawl, ancien officier de police, reprend du service pour participer à la traque d’un tueur laissant derrière lui des cadavres d’indiens minutieusement mutilés. Ses recherches l’entraînent au cœur des plus sauvages vallées de l’Ouest, où les hommes qui n’ont pas de sang sur les mains sont rares, et où le progrès n’a pas encore eu raison de la barbarie.
« Même au temps de Russell Strawl, il y avait dans l’Ouest ce mythe de l’homme fort qui parle peu. L’inverse était plus proche de la réalité. La géographie et les distances font que les gens restent peu nombreux et vivent loin les uns des autres, même pendant les périodes où le calme règne. Pour combattre le silence et l’isolement inhérents aux grands espaces, leur esprit s’invente leurs propres récits. L’écho de ces histoires meuble les heures de veille et s’introduit de force dans le moindre rêve qui pourrait leur revenir en mémoire… »
Animaux solitaires est un roman noir à mi chemin entre le western et le nature writing cher à la maison d’édition Gallmeister. Dans ce roman magnifique et sauvage, l’homme est une bête, un animal solitaire, qui est à la fois la proie et le prédateur. La force fait office de loi, et tous les moyens sont bons pour faire régner une justice qui n’est pas celle des hommes, qui n’est qu’une coïncidence au milieu du chaos. Tout est hostile, et rien n’a d’importance, si ce n’est la survie, survivre à n’importe quel prix. Toutes les croyances sur la vie en société, ou sur la cellule familiale volent en éclat face au grondement sourd de l’ego en quête de respect. Être à la hauteur c’est savoir rester debout, savoir encaisser, et rendre les coups. Les faibles ne méritent pas de vivre, et le meurtre trouve sa légitimité, pour être élevé au rang d’œuvre d’art mystique.
Bruce Holbert publie ici son premier roman. Et quel premier roman ! Quasi autobiographique, Bruce a vécu dans ces montagnes hostiles, où son arrière grand- père, éclaireur indien de l’armée des États-Unis, était un homme respecté. Jusqu’à ce qu’il assassine son gendre, le grand- père de Bruce Holbert. Cette tragédie a naturellement inspiré l’auteur qui nous livre ici un récit fort, dur, et passionnant.
« La plupart des gens voient l’espoir comme le contraire de la peur, mais Russel Strawl n’était pas dupe : le contraire de la peur, c’est la certitude. La peur cesse où commence la connaissance, fût-elle de la pire espèce. Strawl ne se rappelait pas avoir jamais eu peur. Le monde avait depuis longtemps perdu la capacité de le surprendre ».
Animaux solitaires de Bruce Holbert, traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias, aux éditions Galmmeister, 320 pages, 23 euros, à paraître le 29 aout 2013.