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« Ice » : Le roman-photo choc, puissant et torturé d’Antoine d’Agata

« Ice » : Le roman-photo choc, puissant et torturé d’Antoine d’Agata

18 September 2012 | PAR Kylhian Hildebert

Antoine d’Agata, photographe français né à Marseille en 1961, livre son dernier ouvrage aux éditions Images en Manœuvres ; un livre sombre, dans lequel on retrouve ses thèmes fétiches : la nuit, l’errance, la drogue, la prostitution…

Ice couvre le travail d’Antoine d’Agata pendant ces cinq dernières années. Roman photo ; oeuvre hybride, les photographies et le texte se succèdent et entraînent le lecteur dans le désespoir et la quête de sens d’A, alias le double d’Antoine d’Agata, qui s’installe en 2007 au Cambodge avec Ka une prostituée d’origine vietnamienne, crâne et sourcils rasés, 32 ans, toute aussi droguée que lui.

La drogue, voilà justement l’Ice auquel le titre fait référence, sans doute le troisième personnage principal aux cotés d’A et de Ka, les deux protagonistes en sont accros. c’est aussi bien l’enfermement dans lequel cette addiction plonge les personnages que la difficulté pour s’en sortir qui sont ici relatées. L’Ice prive A de la possibilité de créer ; la photographie se fait plus rare, plus difficile.

Les photos d’Antoine d’Agata sont floues, fortement contrastées, prises en basse lumière avec un fort vignettage et un grain particulièrement présent ; elles témoignent d’une volonté de retranscrire la relation claustrophobe des personnages, leur errance au gré des doses quotidiennes d’Ice, le tourbillon infernal dans lequel ils sont plongés, leur vie qui se consume peu à peu.

A cela est mêlé le texte, écrit par Rafael Garido (partant des écrits d’Antoine d’Agata), sous la forme de mails échangés avec des proches d’A. Au XXIème siècle le mail a remplacé le journal intime ; il s’agit des seuls véritables moments de lucidité dans lesquels A se confie, décrit les effets et méfaits de l’Ice, prend du recul sur sa vie, son art… Certaines pages sont éclatantes de luminosité par leur style, au regard du sujet particulièrement sombre dont elles traitent.

On pense à Hubert Selby Jr. en lisant Ice, on retrouve ce même tourbillon infernal qui était le sujet de Retour à Brooklyn (Requiem for a Dream, 1978) et ce goût amer, nauséabond, qui reste en bouche à la fin de la lecture (cf. La Geôle [The Room] 1971) ; de même cette maestria pour nous faire vivre au plus près de ceux qui demeurent dans l’illusion quotidienne des opiacés.

Voilà un livre puissant, dérangeant, fort et déroutant ; une formidable réussite pour un photographe qui confirme plus que jamais son statut d’artiste à part entière.

(c) Ice, Images en Manoeuvres Editions

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Kylhian Hildebert

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