Cinema
Très heureux petit tour au festival du film d’environnement

Très heureux petit tour au festival du film d’environnement

23 February 2013 | PAR Nilufar Hebras

Depuis mardi et pendant encore 4 JOURS se déroule le festival du film d’environnement au Cinéma des cinéastes. Pour sa trentième édition le festival offre une programmation très variée, autant dans les thèmes que dans les types de films et les nationalités des réalisateurs. Sans trop savoir à quoi nous attendre, nous avons fait un tour dans ce lieu si sympathique ces deux derniers jours, et nous ne sommes pas déçus !

En arrivant au Cinéma des Cinéastes, nous avons trouvé, surpris et heureux, des salles combles, observé une file d’attente longue comme un jour sans pain pour récupérer les billets ( gratuits ! ) une demi- heure avant la séance, senti se dégager une très bonne ambiance dans cet endroit qui s’y prête. L’envie était là, nette, de profiter de cette chance de s’approcher de thématiques qu’on connaît peu ou pas dans un souci plus ou moins intense mais partagé pour l’environnement et les enjeux qui s’y attachent; voilà ce qui  semblait rassembler (et rassemblera pour les jours à venir) tous les spectateurs.

Le programme est si varié qu’il y en a pour tous les goûts : documentaires longs ou courts, courts-métrages, fictions, et des thèmes excessivement diversifiés. Vous en aurez une idée très claire en allant sur le site de l’événement où sont détaillées les séances jour par jour.

Nous y avons fait un tour jeudi où nous avons pu voir “15th Meridian”, documentaire qui nous fait partager la vie et la détresse des habitants d’Imvros, une île au Nord-Est de la mer Egée. La réalisatrice était présente et a partagé sa joie de nous voir si nombreux assister à cette projection, la salle était en effet pleine. On nous a distribué une feuille à l’entrée, ou trois paragraphes nous expliquaient la situation de ces habitants, détails essentiels pour la compréhension du film : l’île d’Imvros, turque administrativement, était occupée exclusivement par des grecs. En 1964, la Turquie met en application le programme “Eritme”, destiné à faire de l’île une île turque et emploie à cette fin des mesures draconiennes: réquisitions du patrimoine, écoles grecques fermées, le grec n’est plus enseigné, l’école se fera désormais en turc… Dans ces conditions, très nombreux sont ceux qui partent, très peu ceux qui restent. L’île se vide et ses habitants partent aux quatre coins du monde, la situation étant invivable.

Mais ce que filme la réalisatrice c’est le témoignage de ceux qui sont revenus à partir des années 80, dans le but de récupérer leurs maisons et de retrouver leur “patrie” comme ils répètent sans cesse, ainsi que ceux qui sont restés là-bas. C’est l’expression d’un traumatisme et du regret d’un paradis à jamais perdu. Les voix se superposent, les témoignages se mêlent, et se mélangent eux-mêmes avec les paysages de l’île, sauvage, et les maisons en ruine. Sur toutes les lèvres et dans tous les regards c’est la conscience d’un paradis perdu, comme ils le disent eux-mêmes, ou volé.  L’île a conservé depuis un caractère désolé, et presque plus personne ne croit à sa résurrection. C’est une histoire commune, et en même temps chacun partage sa propre histoire avec ce qu’ils considèrent tous comme leur “patrie”. On entend toujours ces mêmes mots de terre où l’on est né, qu’on ne peut pas oublier, où l’on se sent chez soi, le besoin de retrouver ses racines. Ces destins qui ont été si brutalement déterminés à rompre avec leur terre natale sont touchants. Le film débute par ces mots, et c’est réellement cette impression qui nous reste “Combien de temps s’est écoulé ? Il est impossible de le dire.  Quelque chose s’est passé qui a tout figé dans une désolation dont personne n’a trouvé le moyen de sortir.  “Des rêves, les jours passés ne sont que des rêves” scande une habitante de 98 ans…

 

Nous avons ensuite enchaîné ( sans dîner ! ) avec une fiction, qui sortira en salle le 24 avril: l’Intervallo de Lorenzo di Constanzo.


Dans la plus grande salle du cinéma, Myriam Gast, directrice de la programmation nous présente le film et le réalisateur. Dans une banlieue  de Naples, la jeune Veronica est gardée par un garçon de son âge à qui la Camorra, et on ne lui refuse rien, a confié cette tâche. En attendant l’arrivée du boss, ils vont presque oublier la situation de péril de la jeune fille, en déambulant dans un lieu surprenant et magique. Un film complètement dénué de prétention, sans rien de superflu et plein de poésie. Les spectateurs n’ont pas tout de suite été très réactifs quand Myriam Gast a invité à poser des questions au réalisateur, un petit moment de flottement a traversé la salle; elle s’en est chargée elle-même avant que quelques uns prennent finalement le relais. Le réalisateur a donc parlé avec intérêt et modestie de son travail avec les acteurs non professionnels, et la très grande liberté qu’il leur avait laissé dans leur jeu, la place de l’improvisation. Venant du documentaire et n’ayant jamais tourné de fiction, il nous a raconté avec humour comment il cherchait au départ à tout contrôler et planifier, puis qu’il avait lâché la bride. Cette liberté, précise-t-il, allait d’ailleurs mieux avec ce qu’il avait fait jusque là, les documentaires. Il y a dans ce film, comme il l’a dit lui-même trois protagonistes : la fille, le garçon et le lieu. Ce lieu mystérieux et improbable entre architecture et nature a en effet une place aussi importante que les personnages.

 

Nous sommes revenus vendredi ! Et nous avons cette fois, pour toucher à tous les genres proposés dans ce festival, choisi d’aller voir 6 courts-métrages, essentiellement réalisés par de jeunes réalisateurs, dont 3 étaient présents. Dans des approches et des thèmes très différents, mais toujours dans une perspective plus artistique et inventive. Certains nous ont plus touché: le documentaire de Ji-Sun Cho, originaire de Corée du Sud est plein d’humour et de poésie, tout en pointant un problème nettement moins humoristique: celui de la fonte des glaces. C’est l’histoire (de 3min20) d’Alex le pingouin qui, laissé seul sur la banquise cherche à combler sa solitude. A la fin de la séance, Ji-Sun Cho nous a confié que son film avait pour personnage principal un pingouin à cause de sa véritable fascination pour le documentaire “La marche de l’empereur”; elle a appris dans ce documentaire que quand les pingouins perdaient ou se détachaient de leur troupeau, ils mourraient de solitude; et voulait donc rendre heureux ce pingouin seul sur sa banquise. Et petit détail touchant et représentatif de l’ambiance, la réalisatrice avait prévu pour tous les spectateurs un petit cadeau: un mini cd de son court-métrage. Et c’est là qu’on a pu intérieurement et même extérieurement se réjouir du malheur de ceux qui étaient partis directement après la fin des projections et n’avaient pas voulu assister au petit moment d’échange, Ha, bien fait.

 

Enfin, on a assisté à l’avant -première, et oui la classe, du documentaire de Fatih Akin, “Polluting Paradise”, dans le cadre du “focus Turquie”. Il n’avait pas été projeté publiquement depuis Cannes (encore plus la classe). N’ayant pas pu se déplacer pour représenter son documentaire au festival car il tourne en ce moment un autre film, FAtih Akin avait préparé une vidéo qui a été projetée juste avant le documentaire. Il s’adresse donc à nous, s’excusant de ne pas pouvoir être là ce soir, mais que son coeur et son âme sont là, puisqu’ils sont dans le film. Ce documentaire, dit-il, est un travail de 5 ans, ” I never thought it would take five years, i never thought i would have so much patience” (jamais je n’aurais cru que ça prendrait tant de temps; jamais je n’aurais cru que j’aurais cette patience). Je ne vous souhaite pas, poursuit-il, d’aimer ce film, et ça n’a pas une fin joyeuse, mais j’espère que vous serez touchés. Ce que ça lui a appris, et ce que ça doit nous montrer, est qu’il faut se battre, maintenant, et ne pas laisser le combat aux autres.

C’est l’histoire d’un village turc qui va pâtir des décisions indifférentes inconséquentes et désespérément hypocrites des politiques. La ville est menacée par un projet de décharge qui voit finalement le jour, et bouleverse la vie de ses habitants par sa puanteur, sa pollution, et sa laideur. Fatih Akin filme la lutte acharnée des habitants et du maire contre les puissantes institutions qui affichent un calme et une maîtrise toute faite d’hypocrisie et d’indifférence révoltante. Poignant.

 

Il vous reste jusqu’à mardi pour profiter de tout ce qui va être projeté, et profitez du week-end, c’est toute la journée et c’est plus facile qu’en semaine ! Et c’est gratuit ! Bien sûûûr c’est par pour cela qu’on y va mais c’est toujours sympathique!

 

 

 

 

 

 

 

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Nilufar Hebras

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