Cinema

Rencontre avec la petite-fille de Ladislas Starewitch, virtuose du cinéma d’animation

07 February 2011 | PAR Coline Crance

Les Fables de Starewitch d’après Jean de la Fontaine sortent mercredi prochain. Cinéaste génial, virtuose et précurseur de la ciné-marionnette, ses fables sont des petits bijoux incontournables. Toutelaculture.com pour mieux saisir ce personnage est allée rencontrer la petite-fille de Ladislas Starewitch. Elle s’est donc confiée avec une grande sincérité sur son grand-père et sur son propre et laborieux  travail de  restauration de ce génial patrimoine familial.

Pouvez-vous en quelques mots nous présenter le travail de votre grand père ?

Mon grand père est un polonais d’origine lituanienne né en Russie à Moscou. Après avoir fuit la révolution  russe , il est arrivé en 1920 alors âgé de quarante ans en France. Il était déjà très reconnu dans le milieu de l’image animée. Ladislas Starewitch était anthropologiste de formation. Sa passion de la ciné-marionnette est venue de cette profession. Il voulait montrer à ses élèves avec précision le fonctionnement de chaque insectes etc .. Mais avec la lumière, les pattes etc, se désagrégeaient. Il a donc eu l’idée d’utiliser de la peau de chamois pour reconstituer avec un réaliste frappant ces habitants de la faune et de la flore. C’est ainsi que la passion du cinéma le prit. En 1913, il adapte une fable de Krilov , la Cigale et la fourmi. Elle fut montrée  à la cour du Tsar. Cela eu un impact énorme. Le cinéma passait au stade du divertissement populaire en Russie à celui d’art à part entier. Dès 1913, on peut dire que Starewitch a eu une reconnaissance mondiale. La fable fut tirée en 140 copies et diffusée à travers le monde. Il a donc continué à tourner avec les plus grands artistes russes jusqu’à sa fuite en France. En 1920, il s’installe à Fontenay sous Bois pour y installer ses studios. Les périodes russe et française présentent une différence majeure. Starewitch en effet après son installation en France n’utilise plus que des marionnettes. Il a donc continué à travailler d’arrache-pied. Il n’était aidé que par ma grand-mère pour les costumes, ma tante Irène et ma mère de temps en temps. Et pourtant il a réussi à créer le roman de Renart en 18mois ! Ce film représente 10100 mètres de pellicules ce qui est vraiment un tour de force extraordinaire. Il aimait ses marionnettes. Il disait en riant que c’était plus facile de faire du cinéma avec elles : elles étaient sages, ne demandaient pas de cachets… Les Etats Unis en 1930 lui ont proposé un studio pour comparer l’essor du dessin animé et la ciné-marionnette. Mais il a refusé. Il aurait eu l’impression de perdre son âme là-bas. L’aspect familial de son entreprise lui convenait. Il aimait travailler comme il l’entendait dans la douceur et la patience.

Pourquoi a -t-il choisi de mettre en image les fables de la Fontaine ?

En Russie , il avait déjà travaillé avec des grands écrivains notamment Gogol. Il a toujours été fasciné par la littérature et ses grands. Je pense qu’en arrivant en France après avoir adapté certaines fables de Krilov, adapter celles de la Fontaine était comme une évidence. Puis par ailleurs mon grand père a toujours été extrêmement humble et confiant ce qui lui a valu quelques mésaventures. Il avait presque fini l’adaptation du Roman de Renart, mais le producteur l’a laissé tomber d’un coup. Toutes les marionnettes étaient donc déjà prêtes et la nécessité faisant loi, il les a utilisé pour adapter les fables de la Fontaine.

L’univers de Starewitch est extrêmement poétique, mais une certaine angoisse vis à vis de son temps est extrêmement présente dans ses fables, comment le percevez-vous ?

Oui, vous avez raison, il y a une angoisse beaucoup plus prégnante dans les fables chez Starewitch que dans celles de la Fontaine et de Krilov. Les fables vont en crescendo, Le lion et le moucheron au début puis la fin La Cigale et la Fourmi et Le Lion devenu vieux qui sont les fables les plus terribles de la Fontaine. Pour les enfants d’ailleurs , je trouve que c’est bien qu’il ait placé un makingoff à la fin. Il rassure, c’est toujours l’homme qui domine l’écran. Enfin il faut souligner que Starewitch place toujours une part d’optimiste dans ses fables. Je pense même que ses marionnettes sont son propre miroir. Le singe par exemple du Lion devenu vieux , ou encore la Cigale qui est une artiste, une bohème. Quand la fourmi enterre la Cigale, il y a une petite lumière qui surgit de sa tombe. L’art est toujours là et il subsiste.

Comment entreprenez-vous le travail de restauration de ses fables et avec quels fonds ?

Le travail de restauration est extrêmement lent. Ça fait déjà une trentaine d’années que mon mari et moi-même avons entrepris ce travail. Nous n’avons pas vraiment de fonds directement , c’est plutôt au fur et à mesure. Restaurer un film c’est extrêmement cher et puis nous voulons en aucun cas nuire à l’héritage de mon grand-père. Par exemple nous sommes très précautionneux , dans les Contes de l’horloge magique sorti en 2003 nous avions utilisé la voix de Rufus etc … Mais là avec les fables , nous avons trouvé qu’elles se suffisaient tellement à elles-mêmes qu’il n’était pas nécessaire de rajouter des voix. Nous nous sommes plutôt concentrés sur la restauration de la bande son. Nous arrivons au bout de ce long travail, il nous reste trois programmes encore dont l’un dans trois ans qui sera orienté vers les plus petits.

Les Fables de Ladislas Starewitch d’après Jean de la Fontaine. duré : 1h10 en salle le 9 février 2011.

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Coline Crance

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