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Premiers Plans, jour 1 : Début de la compétition, séances spéciales et lectures de scénarios (19/01/2013)

Premiers Plans, jour 1 : Début de la compétition, séances spéciales et lectures de scénarios (19/01/2013)

20 January 2013 | PAR Yaël Hirsch

Alors que les premiers films de la compétition du 25e festival Premiers Plans ont été dévoilés, ce samedi 19 janvier, la journée s’est déroulée dans une douceur ouatée, entre scènes de ménage à l’italienne (Hommage Mastroianni), amours adulescentes griffées eighties avec Denis Lavant, lectures de scenari et un petit bijou de Pascale Ferrand choisi par Positif pour souffler ses 60 bougies. Live-report.

Plus de neige mais un grand froid de bon matin sur Angers. A 9h15 toute la culture avait rendez-vous avec le réalisateur espagnol Pablo Berger, encore sous le coup de la grâce qu’a suscitée la projection de son film, en ouverture. En petit comité, ce jeune papa d’une petite fille de 9 ans et cinéphile absolu a partagé sa vision du cinéma et son amour pour un art qu’il apprécie avant tout comme spectateur. Mine d’émotions positives, Pablo Berger s’est montré très attentif à l’effet que produit son film sur les spectateurs et a expliqué quelle bataille il a dû mener pendant huit ans pour que Blancanieves arrive sur nos écrans. Un moment très vivant et très intense dans le Palais des Congrès encore vide.

A 10h30 commençait – toujours au Palais des Congrès- le cycle d’hommage à Marcello Mastroianni. Si Jean-Michel Frodon n’a pas pu assurer la présentation de « Divorce à l’Italienne », de Pietro Germi (1969), l’ironie mordante de cette fable cruelle parlait d’elle même. Autour d’un noble sicilien (interprété par Mastroianni) tentant d’assassiner sa femme sans faire trop de prison pour épouser sa charmante cousine de 16 ans, Pietro Germi dénonce sur le mode comique les carcans sociaux : Eglise, mariage, code de l’honneur latin et leurs charrettes de tabous semblent effectivement rendre les personnages du film, affreux, sales, méchants, mais aussi lubriques, lâches et cupides. Sociologiquement passionnant, « Divorce à l’Italienne » permet de mieux comprendre l’ovni qu’a pu représenter la « Dolce Vita » dans ce système patriarcal puisque le film met en scène la première projection de celui de Fellini. Un clin d’œil que reproduit Premiers Plans en programmant également la « Dolce Vita » dans le cycle dédié à l’acteur italien.

Sachant combien la région regorge de trésors gastronomiques, il est bien difficile de manger sur le pouce à Angers. C’est pourtant stoïquement ce que nous avons fait avant de nous rendre – en plein centre ville- à la jolie salle indépendante des « 400 coups » pour le lancement de l’hommage dédié au comédien Denis Lavant que l’on a retrouvé dans toute la fraicheur torturée de ses 20 ans en double de non moins jeune Leos Carax avec « Boy meets Girl » (1984). Un garçon (Denis Lavant) et une fille (la superbe Mireille Perrier) en chagrin d’amour violent se rencontrent. Il la suit, ose l’aborder à une fête. Mais deux êtres perdus ne peuvent peut-être pas jouer  en même temps les mêmes bouées. Sur un vélin noir et blanc onirique, Carax déroule deux intériorités de météorites poignantes. Et les bombardements sourds de références filmiques et culturels, ne sont qu’autant de coups qui viennent encore déstabiliser l’ordre du monde et renforcer l’impression d’inquiétante étrangeté. Sans conteste un chef d’œuvre, certes exigeant, mais qu’il est toujours bouleversant de revoir.

A 16h, ce sont les comédiens de l’Adami qui nous ont donné rendez-vous au Palais des Congrès pour la lecture de trois scénari. « Attends-moi », de P. Glémet ; « La cause animale » de N. Briand et M. Haffar ; et « Simiocratie », de Nicolas Pleskoff. Exercice original et très pratiqué à Angers, la lecture de scenario attire un public nombreux et curieux de voir comment les jeunes talents se tirent de cet examen difficile. La séance était précédée de la projection de l’adorable court-métrage « Le locataire » de Nadège Loiseau, qui met en scène l’annonce de la grossesse d’une mère de famille (et déjà grand-mère) de 50 ans.

Au même moment avait lieu aux « 400 coups » une séance spéciale avec la projection d’un documentaire sur Agnès Varda (en sa présence). Celle-ci était suivie de la projection d’un documentaire sur Anouk Aimée.

A 19h15, la compétition officielle a démarré au Palais des Congrès, avec la projection du court métrage « On the Beach », de la suissesse Marie-Elsa Sgualdo, suivant les errements estivaux d’une jeune-fille de 15 ans. Puis le premier long était autrichien. Entre Hambourg et Vienne croquées avec originalité et poésie, « L’éclat du jour », de Tizza Covi et Rainer Frimmel, met en scène les retrouvailles entre un jeune comédien à succès (sexy Philipp Hochmair) et son drôle d’oncle Walter (formidable Walter Saabel) qui vient s’installer chez lui à Vienne. Fâché avec son frère, Walter semble s’incruster mais révèle en fait à son neveu narcissique tout un nouveau monde quand il se met à s’occuper des enfants de leur voisin de palier d’origine Moldave et dont la femme est coincée au pays pour des questions de visa. Très humain, très joliment filmé, « L’éclat du jour » a fait rire le public de tendresse avec certaines réparties et se déroule en images d’une douceur folle. Mais le film souffre d’un réel problème de rythme. L’équipe du film est venue à la rencontre du public en conclusion.

Enfin, sachant que nous pourrions voir le premier film français en compétition « Les Gouffres », le lendemain, nous avons choisi, pour finir la soirée en beauté,et nous avons fait confiance au choix de Positif en allant jusqu’à l’imposant multiplex de la ville pour le premier long métrage de la trop rare Pascale Ferrand (« Lady Chatterley », 5 césars en 2007). Caméra d’or 1994, « Petits arrangements avec les morts » met en scène sur le sable paradisiaque et rohmerien d’une plage bretonne la manière dont l’irruption de la mort d’un frère ou d’un ami dans l’enfance a des conséquences pérennes sur la construction d’un être humain. Un petit bijou de sensibilité psychologique, construit avec une subtilité visuelle décisive et qui nous a emportés au cœur de problématiques essentielles.

Rendez-vous demain pour le live-report de notre deuxième jour de cinéma européen à Angers.

Photos (c) Stephan Bleiberg

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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