Cinema
Les Chaussons rouges, chef-d’oeuvre de Powell et Pressburger, ressort en copie restaurée

Les Chaussons rouges, chef-d’oeuvre de Powell et Pressburger, ressort en copie restaurée

09 November 2011 | PAR Liane Masson

Les Chaussons rouges (The Red shoes, 1948), chef-d’œuvre des cinéastes britanniques Michael Powell et Emeric Pressburger, ressort aujourd’hui en DVD dans une copie restaurée. L’occasion de (re)découvrir ce film culte sur l’univers du ballet, adaptation sombre et sublime d’un conte d’Andersen. Tourné avec les plus grands danseurs de l’époque, ce film, premier du genre, offre un témoignage précieux sur le monde de la danse classique autant qu’une réflexion profonde sur la folie de la création. A voir absolument.

 

Le film démarre sur la représentation d’un ballet, vu depuis la salle. Celui que donne le célèbre chorégraphe et directeur de troupe Boris Lermontov à l’opéra de Covent Garden, à Londres. Si cette première découverte du monde chorégraphique se fait avec une certaine distance, par le biais d’un regard pour l’instant extérieur, la caméra va très vite se glisser à l’intérieur des coulisses de l’opéra pour nous faire découvrir au plus près le milieu de la danse classique et ses enjeux, aussi bien artistiques qu’humains. Là réside toute la spécificité de ce film, qui va nous faire partager intimement le quotidien des artistes de la troupe des ballets Lermontov, évoluant dans un univers impitoyable où seuls le travail acharné et l’abnégation sont valorisés, alors que la vie personnelle n’a pas la moindre place. Partiellement inspirés des Ballets Russes, illustre compagnie créée par Serge Diaghilev au début du 20e siècle, les ballets Lermontov réunissent danseurs, chorégraphes, compositeurs, musiciens et décorateurs. Encadrés par une discipline de fer, ils enchaînent répétitions et spectacles à une cadence hallucinante, parcourant l’Europe pour présenter leurs créations ainsi que les grandes oeuvres du répertoire, de La boutique fantasque, en passant par Les Sylphides et Copélia.

L’intrigue se concentre principalement sur le personnage de Victoria Page (interprétée par la magnifique Moira Shearer, étoile montante de l’époque), jeune ballerine ambitieuse et passionnée tout juste recrutée par le tyranique Lermontov, qui lui offre de jouer le rôle principal de sa nouvelle création Les Chaussons rouges. Vicky se lance à corps-perdu dans cette aventure artistique dont elle rêve depuis toujours, mais lorsqu’elle tombe amoureuse du compositeur Julian Craster, sa carrière est remise en question. Elle se trouve face à un dilemme impossible : choisir entre sa passion pour la danse et son bien-aimé. “On ne peut pas tout avoir” déclare l’impitoyable Lermontov, “une danseuse qui s’abandonne aux douceurs suspectes de l’amour ne sera jamais une grande danseuse”.

Le ballet dont Vicky est l’héroïne, adapté d’un conte d’Andersen dans une version plus sombre, relate l’histoire d’une jeune fille qui convoite une paire de souliers rouges alors que ceux-ci lui sont interdits. Elle parvient tout de même à se les faire offrir, et dès le moment où elle les enfile, elle se met à danser sans plus pouvoir s’arrêter. Elle dansera ainsi malgré elle jusqu’à l’épuisement, et finalement jusqu’à la mort. Placé au coeur du film, ce ballet de 17 minutes chorégraphié et mis en scène spécialement pour la caméra, est un moment de cinéma inoubliable au travers duquel s’illustrent tous les talents de l’équipe artistique du film. Dans les magnifiques et multiples décors du peintre Hein Heckroth, s’animant parfois comme par magie, les interprètes aux maquillages stylisés donnent vie à une fable fantastique et cauchemardesque qui n’est pas sans rappeler l’univers de certains films expressionnistes allemands. Aux côtés de Moira Shearer, les plus grands danseurs de l’époque (Robert Helpmann en prétendant et en prêtre, et Léonide Massine dans le rôle du cordonnier diabolique) révèlent à l’écran leur technique virtuose et leur force d’interprétation, évidente lorsque les visages sont captés en gros plans. La caméra, toujours en mouvement, épouse habilement les trajectoires des danseurs et accentue l’énergie de ce ballet foisonnant. Les changements de plans, nombreux et rapides, soulignent la frénésie de la chorégraphie. Mise en abîme de l’ensemble du film, puisque Vicky subira un sort identique à celui de l’héroïne qu’elle incarne, cette séquence dansée en est aussi le moment de cinéma le plus abouti, mettant en avant toute l’ingéniosité et l’inventivité de Powell et Pressburger. Les Chaussons rouges est donc un film hors-norme, impressionnant, passionnant, qui mérite d’être vu et revu, avec en plus aujourd’hui le plaisir de la couleur,  grâce à cette copie restaurée qui sort en DVD.

Les suppléments et bonus apportent à l’oeuvre de précieux compléments. Dans “Il était une fois Les Chaussons rouges” on apprend de nombreuses informations sur l’origine du film et les coulisses du tournage, avec entre autres, le témoignage du directeur de la photographie Jack Cardiff. Et dans “Ballet flamboyant”, on plonge avec bonheur dans les détails de la construction et la composition du ballet central, notamment grâce à l’analyse personnelle de Nicolas Le Riche, danseur étoile à l’Opéra de Paris.

 

Les Chaussons rouges (The Red shoes, Royaume-Unis,1948), scénario, réalisation et production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Avec : Moira Shearer, Anton Walbrook, Marius Goring, Robert Helpmann, Léonide Massine, Albert Basserman, Ludmilla Tchérina
Musique : Brian Easdale
Décors : Hein Heckroth

Durée : 2h15

Sortie en DVD et Blu-ray le 9 novembre 2011 chez Carlotta Films

 

Visuels : © Carlotta Films

Mission impossible, le retour
JR à la galerie Perotin, à partir du 19 novembre
Liane Masson

3 thoughts on “Les Chaussons rouges, chef-d’oeuvre de Powell et Pressburger, ressort en copie restaurée”

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