La sélection cinéma du 26 février
France contre Etats-Unis cette semaine ! Un affrontement… sur les écrans ! La règle : pas de gros effets spéciaux. En revanche, les stars sont conviées. Vont-elles peser lourd dans la balance ? A vous de voir, et ce n’est pas peu de le dire.
Nos américains attaquent très fort. Masse d’effets visuels à l’horizon ? Que nenni. Voici The Grand Budapest Hotel, signé du grand minimaliste Wes Anderson. Le réalisateur de La Famille Tennenbaum, de La Vie aquatique, de A bord du Darjeeling Limited, de Moonrise Kingdom… Un Ours d’argent au Festival de Berlin pour ce nouveau film… Un sujet choral, brassant la vie dans un hôtel d’Europe centrale doté d’une architecture à la Shining, des intrigues familiales, et le début de la Seconde Guerre mondiale… Et les stars. Regardez la liste qui suit, et vous verrez même que s’y nichent deux français… Trop forts, les auteurs américains.
[The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Avec Ralph Fiennes, F. Murray Abraham, Owen Wilson, Jason Schwartzman, Bill Murray, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Adrien Brody, Edward Norton, Tilda Swinton, Bob Balaban, Harvey Keitel, Jude Law, Saoirse Ronan, Tom Wilkinson, Mathieu Amalric, Léa Seydoux. Comédie dramatique américaine, 1h44.] [rating=3]
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Pour les contrer, que peut-on convoquer ? Un premier film français bien sûr ! Le Sens de l’humour, réalisé par l’actrice Marilyne Canto, vue dans les films de Dominique Cabrera (Nadia et les Hippopotames, Le Lait de la tendresse humaine, Folle embellie). Vrai coup de coeur. Finesse, finesse : une femme, son enfant, et l’homme qu’elle voit. Une relation dont elle n’est pas sûre, qui lui apporte bonheur et déchirement, mais dont elle voit les effets sur son fils, dont son amant se rapproche… En lieu et place de stars, trois superbes acteurs : Marilyne Canto elle-même, le jeune Samson Dajczman et le rare Antoine Chappey, familier de Manoel de Oliveira. Simplicité contre foisonnement. Que préférer ?
[Le Sens de l’humour de Marilyne Canto. Avec Marilyne Canto, Antoine Chappey, Samson Dajczman. Drame français, 1h30.] [rating=5]
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Dans l’affrontement se glisse un film… bosniaque : La Femme du ferrailleur. Vous ne serez pas totalement dépaysés, il s’agit du nouveau film de Danis Tanovic. Souvenez-vous : No man’s land ! sorti en octobre 2001. Oscar et César du meilleur film étranger en 2002, et Prix du scénario à Cannes. Aujourd’hui, après des travaux en France et en Grande-Bretagne, il revient en Bosnie pour proposer l’histoire d’un ferrailleur rom pris dans une course contre la montre pour prodiguer à sa femme, gravement malade, des soins hors de sa portée. Un récit qui a la particularité d’être inspiré d’un fait divers réel, et d’être interprété… par les véritables protagonistes ! Accrochez-vous, ça va secouer. On rappelle, à tout hasard, que ce film-là a obtenu l’Ours d’argent, et le prix du meilleur acteur, au Festival de Berlin en 2013…
[La Femme du ferrailleur de Danis Tanovic. Avec Nazif Mujic et Senada Alimanovic. Drame bosniaque, 1h15.] [rating=5]
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On a vu ces arbres, qui semblent cacher une vraie forêt. Comment sont les autres arbres derrière ? Hum… Aïe. Côté américain, ils sont immenses et menaçants. Sort également ce mercredi le film Un été à Osage County. D’après la pièce de théâtre qui tint l’affiche à Broadway de façon triomphale. Et avec un casting des plus… comment dire… Julia Roberts, Ewan McGregor, Chris Cooper, Abigail Breslin, Benedict Cumberbatch, et la plus grande de toutes, j’ai nommé… Meryl Streep ! Histoire de famille, encore une fois, dans la campagne américaine, autour de trois sœurs et de leur mère lunatique. Larmes en perspective ?
[Un été à Osage County de John Wells. Avec Meryl Streep, Julia Roberts, Juliette Lewis, Ewan McGregor, Benedict Cumberbatch, Chris Cooper, Sam Shepard. Drame américain, 2h.]
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Un autre arbre, ah… Immense aussi. Mais sans stars. Immense par son sujet. Et son réalisateur. At Berkeley, nouveau film du documentariste Frederick Wiseman. Il vous a émerveillé par son œil et son acuité lorsqu’il observait la Comédie-Française, l’Opéra de Paris, les malades mentaux, les quartiers populaires américains, ou lorsqu’il dirigeait divinement la grande Catherine Samie disant un texte signé Vassili Grossman ? Eh bien, retrouvez-le, ainsi que sa caméra, dans les arcanes, ou plutôt dans les lieux les plus communs qu’il saura transformer en arcanes, de la grande université californienne. Quatre heures de traversée. Frederick Wiseman a 84 ans, et tourne depuis près d’un demi-siècle. Faites-lui honneur.
[At Berkeley de Frederick Wiseman. Documentaire américain, 4h.]
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Bon. On est impressionnés. Va-t-on faire le poids, en France ? Qu’y voit-on, dans notre forêt ? Ah, un arbre de choix, tout d’abord. Un arbre documentaire. Contre Frederick Wiseman, qui pousser sur le ring ? Jean-Michel Carré. Très bon documentariste, auteur de Charbons ardents (1999), de J’ai (très) mal au travail (2006) ou des Travailleu(r)ses du sexe (2009). Il propose Poutine pour toujours ?, état des lieux du gouvernement russe aujourd’hui.
[Poutine pour toujours ? de Jean-Michel Carré. Documentaire français, 1h30.]
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Et côté fiction ? Un film avec Karin Viard, encore un ! Week-ends. Mais avec également Noémie Lvovsky, Jacques Gamblin et l’excellent acteur allemand Ulrich Tukur, vu dans Amen. . Ballet des désillusions amoureuses sur fond de week-end à la campagne.
[Week-ends d’Anne Villacèque. Avec Karin Viard, Noémie Lvovsky, Jacques Gamblin, Ulrich Tukur, Gisèle Casadesus, Laure Calamy, Marc Bodnar. Comédie dramatique française, 1h30.]
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Et puis, une comédie très attendue : Supercondriaque, le quatrième film de Dany Boon, dans lequel l’humoriste interprète un malade imaginaire haut en couleur, aux côtés d’un Kad Merad en blouse blanche. Allez-y, juste histoire de rigoler un peu.
[Supercondriaque de Dany Boon. Avec Dany Boon, Kad Merad, Alice Pol, Valérie Bonneton, Judith El Zein, Bruno Lochet, Marthe Villalonga, Jérôme Commandeur. Comédie française, 1h47.]
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Histoire de vraiment nous convaincre, les programmateurs ajoutent une curiosité : Goal of the dead, film d’horreur français, et accessoirement première production à mêler les morts-vivants, encore eux, et… le foot ! A tel point que le projet est présenté en deux « mi-temps », de 1h10 chacune, la première réalisée par Benjamin Rocher, qui nous apporta La Horde (2010), et la deuxième par Thierry Poiraud, qui signa naguère Atomic Circus (2003).
[Goal of the dead réalisé par Benjamin Rocher (première partie) et Thierry Poiraud (deuxième partie). Avec Alban Lenoir, Charlie Bruneau, Patrick Ligardes, Bruno Salomone, Vincent Debost. Film d’horreur français, 2h20 au total.]
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Mais, malheur ! les américains ajoutent, hélas, hélas, le plus lourd des arguments de poids sur la balance : une ressortie. Et quelle ressortie ! Phantom of the Paradise. Vous avez bien lu : Phantom of the Paradise. Que ceux et celles qui ne le connaissent pas tremblent : ce film de 1974 est le premier grand succès de Brian de Palma, et il n’a pas pris une ride. A la fois comédie musicale et film fantastique, inspiré du Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux, il propose une réalisation étourdissante, tout en couleurs « flash », en costumes excessifs et… en effets virtuoses, bien sûr ! Avec en fond sonore, du bon rock des années 70 qui vous donnera la pêche toute la semaine. Immanquable, mais vraiment immanquable. Qu’il soit pour vous le clou de cette semaine cinématographique !
[Phantom of the Paradise (reprise) de Brian de Palma. Avec William Finley, Paul Williams, Jessica Harper, Gerrit Graham. Film fantastique américain, 1h32, 1974.]
Visuel: The Grand Budapest Hotel © Twentieth Century Fox France
Visuel: Le Sens de l’humour © Ivan Mathie
Visuel: La Femme du ferrailleur © drei-freunde
Visuel: At Berkeley, 2013 © Frederick Wiseman